Un Film sur Oradour-sur-Glane ? Regardez Le Vieux Fusil
Il n’y pas plus grand drame que celui qui touche les siens. Dans la fiévreuse expectative d’une fin de guerre, le débarquement allié a aussi engendré des tragédies parmi les plus innommables de la Seconde guerre mondiale. Film hommage à Oradour-sur-Glane, Le Vieux fusil est un monument du cinéma français.
Quand la folie des hommes transforme un pacifiste en vengeur enragé
Montauban, juin 1944. Le débarquement de Normandie a eu lieu quelques jours auparavant. Déjà les forces d’occupation allemandes se délitent. Certaines sont appelées à rallier la côte normande pour tenter le tout pour le tout. Dans la petite ville du sud de la France, le chirurgien Julien Dandieu effectue son travail avec conscience et un sens aigu du devoir. En tant que médecin, il travaille de son mieux, soigne tous les blessés, sans parti pris.
Dans le coin, sa réputation est connue des Allemands et surtout de la Milice. Les agents locaux de cette dernière ne manquent pas une occasion de lui enlever les maquisards qu’il vient de sauver pour exécution ou remise à l’ennemi. Bien que révolté, Julien sait qu’il doit rester à sa place s’il veut pouvoir continuer à soigner celles et ceux qui ont besoin de lui. La patience est sa meilleure arme.
Pourtant, il ressent la tension croissante qui se dégage de ceux qui vont perdre la guerre. Il choisit donc d’envoyer sa femme et sa fille à la Barberie. La une vieille bâtisse familiale dans l’arrière-pays est à moitié en ruines mais l’endroit et son petit village seront bien plus sûrs. Clara et Florence acceptent à contre cœur de le laisser seul face aux dangers possibles. Quelques jours plus tard, Julien peine à supporter leur absence. Sur les conseils de sa mère et de son meilleur ami, médecin comme lui, il fait le trajet pour les retrouver.
À peine arrivé, il trouve les habitants du hameau enfermés dans l’église, morts, exécutés sans merci. Affolé, Julien court jusqu’au vieux château de sa famille. Et s’arrête à quelques mètres du pont vermoulu. Des voix étrangères s’en élèvent, elles parlent allemand. Prudent, Julien fait le tour de la bâtisse et découvre les corps inertes de Clara et Florence dans le jardin. Ravagé par le chagrin et bouillant de haine, le médecin se transforme en vengeur. Il retrouve le vieux fusil de son père, une arme de chasse qu’il avait presque oubliée. Il décide de se faire justice. Personne ne connaît mieux la vieille demeure que lui. Aucun des soldats allemands qui y ont élu domicile n’en ressortira vivant.
Pourquoi Le Vieux fusil est un film hommage à Oradour-sur-Glane ?
Plusieurs éléments de ce film évoquent les faits commis dans le village de Oradour-sur-Glane le 10 juin 1944 :
- la compagnie allemande qui investit le château de la Barberie a pour ordre de rejoindre la Normandie depuis le sud de la France où elle était stationnée ;
- les exactions commises sur la population du village sont typiques à la fois de ce qui fut fait à Oradour-sur-Glane mais plus généralement des « méthodes » de la Das Reich ;
- les odieuses circonstances de la mort de Clara rappelle aussi le sadisme redoutable de l’unité SS ;
- l’histoire se déroule dans une région du sud de la France, voisine de la Nouvelle-Aquitaine qui abrite Oradour-sur-Glane, l’Occitanie ;
- le récit prend place juste après le débarquement normand du 6 juin 1944.
Réalisé en 1975, Le Vieux fusil est un film franco-allemand de Robert Enrico. Il met en scène les merveilleux Romy Schneider et Philippe Noiret dans le rôle d’un couple massacré par le destin. Le scénario est un très bon mélange de réalité historique, de flash-backs contant la rencontre, la naissance et l’aboutissement d’une histoire d’amour en pleine guerre, et de suspense.
À première vue, Philippe Noiret n’a rien d’un héros, moins encore d’un séducteur. Il incarne un homme calme, posé, réfléchi, qui ne sait être impulsif que lorsqu’il déclare sa flamme à une jeune femme qu’il vient à peine de rencontrer. Père célibataire, il ne vit que pour son travail jusqu’à ce que Clara entre dans sa vie.
Cette propension à se laisser déborder par ses sentiments présage ses actions dans le présent. Le spectateur peut déjà deviner une colère sourde quand il se retient visiblement à grand peine de se jeter à la gorge d’un milicien. Mais une fois détruit par le chagrin, le bon docteur n’existe plus. Romy Schneider est rayonnante de beauté et de fragilité. Elle incarne une femme qui semble percevoir que sa vie sera courte, que son bonheur ne saurait durer. Leur alchimie à l’écran donne corps à cet amour tragique.
Le bon docteur va vous soigner : Le Vieux fusil est un vrai thriller
Autre grand atout qui fait que Le Vieux fusil un film qui enseigne autant qu’il s’apprécie sans effort : le suspense. Le choc qui saisit Julien, lors de la découverte des corps de ses deux amours, happe le spectateur. Le jeu de Philippe Noiret est saisissant. On partage son horreur, on le voit imaginer la scène précédant leur mort. La sauvagerie endurée jusqu’à son paroxysme qui nous fait frissonner de rage comme si l’on était soi-même dans le film.
Le docteur Dandieu est seul face à une unité de soldats SS extrêmement décidés, sadiques, indifférents, sans foi ni loi. Mais il connaît le vieux château de son enfance. Les lieux sont à moitié en ruines, creusés de passages secrets et de souterrains médiévaux qui lui seul connaît.
Armé du vieux fusil de chasse de son père, Julien se faufile d’une pièce à l’autre, tue un à un ses ennemis et s’échappe comme un fantôme retournerait dans ses ténèbres une fois sa tâche accomplie. Les détonations de sa vieille pétoire ne le trahissent pas vraiment. Et quand il n’a plus de munitions ou que l’occasion se présente, il improvise avec rapidité d’autres manières de se débarrasser des intrus. On est loin des Expendables mais certaines scènes sont aussi jouissives.
Ainsi, un homme seul, qui n’est pas un héros, qui n’a pas plus de bravoure ou de musculature qu’un autre, fait face à son destin. Sa vengeance est terrible et enflamme littéralement les lieux de son enfance. Lui qui n’aimait pas accompagner son père à la chasse devient un chasseur malin et sans pitié. Lui dont la mère loue les mains comme celles d’un sauveur de vies, s’oublie des heures durant et s’arrange même pour être le seul à exécuter les Allemands qu’il emprisonne sur place.
Dernier point essentiel : le scénario ne joue pas la surenchère, il n’exagère pas les faits. Quand on lit, écoute les témoignages des rescapés d’Oradour-sur-Glane, on le comprend. L’unité SS Das Reich est responsable de nombreuses boucheries en Europe. Perpétrées les débuts de la Seconde guerre mondiale et systématisées durant la campagne de Russie, les mécanismes de massacres étaient bien rôdés.
La première cérémonie des César qui eut lieu en 1976 a plébiscité Le Vieux fusil par neuf récompenses. Il est un témoignage fictif certes mais précieux des exactions nazies commises consécutivement au débarquement de Normandie à Tulle et Oradour-sur-Glane. Vous souhaitez vous faire une idée de ce que furent ces faits ? Regardez Le Vieux fusil, un très bon film hommage à Oradour-sur-Glane et à toutes les victimes de représailles nazies.
Le Vieux fusil de Robert Enrico Avec : Romy Schneider, Philippe Noiret, Jean Bouise, Joachim Hansen, Robert Hoffmann, Karl-Michael Vogler, Madeleine Hozeray, Catherine Delaporte, Jean-Paul Cisife, etc.
Aller plus loin :
La Division Das Reich, Tulle, Oradour-sur-Glane, Normandie 8 juin 1944 – 20 juin 1944, Max Hastings, ed. Tallandier collection Texto, 2014.
Visiter :
Oradour-sur-Glane, la ville martyre et le Centre de la Mémoire