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Visiter et découvrir

Les Catacombes de Paris : royaume de la mort

« Arrête ! C’est ici l’empire de la mort. » Ainsi sont avertis les visiteurs des Catacombes de Paris. Sans ressemblance avec son homologue romain, le site recèle les restes de six millions de Parisiens qui furent déplacés des principaux cimetières de la capitale dans ses galeries. Pourquoi ? Comment ? Avant de vous aventurer à la découverte de ce site atypique, découvrez les secrets de son histoire.

Les galeries souterraines de Paris converties en cimetières

Les anciennes carrières souterraines de Paris

Encore aujourd’hui, les Catacombes demeurent méconnues du public. Visiter un dédale de couloirs remplis d’ossements peut paraître morbide, sans attrait et peu conseillé. Pourtant, ce réseau qui court sous les trottoirs bondés, renferme la mémoire de Paris.

Au XVIIIe siècle, à 20 ou 30 mètres du niveau du sol, des carrières souterraines nées de l’extraction de la pierre, du gypse et du calcaire qui firent Paris sombrent dans l’oubli. Elles règnent sous les 5e, 6e, 12e, 13e, 14e, 15e, 16e, 18e, 19e, 20e arrondissements. Elles dorment dans le silence de leur vide. Mais, elles se rappellent parfois au monde des vivants : des effondrements emportent des habitats et ravagent des quartiers entiers.

En 1776, Louis XVI, qui aura bientôt d’autres ennuis plus graves, fait en sorte de consolider les souterrains et créé un service dédié : l’Inspection des carrières sous Paris et plaines adjacentes. L’architecte du roi, Charles-Axel Guillaumot, en prend la tête et entame des études qui feront de lui l’homme qui sauvera Paris.

Audacieux, Charles-Axel Guillemot n’hésite pas à faire doubler le gabarit des galeries souterraines pour faciliter tant les inspections que le travail des ouvriers. Plus de 250 km linéaires de galeries sont topographiées avec soin. Des piliers de soutènement sont mis en place, des consolidations sont entreprises.

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Le cimetière des Innocents : triste modèle

90 000 cadavres en 30 ans, une fosse commune qui fait s’effondrer le mur d’une cave… En cette moitié du XVIIIe siècle, le cimetière des Innocents, dans le futur quartier des Halles, est une véritable plaie ouverte. Depuis dix siècles, les morts provenant de 22 paroisses parisiennes, de la morgue et de l’Hôtel-Dieu y sont entassés.

La réputation de l’hôpital tout proche est désastreuse : la pestilence de son air humide et peu aéré est telle qu’une simple plaie s’infecte et emporte le patient. On ne sait plus où creuser de nouvelles fosses qui en viennent à créer de véritables monticules surélevant le terrain de 2,50 mètres ! Les rares visiteurs y entrevoient souvent les os de quelque malheureux dérangé par les rats jusque dans son sommeil éternel. L’odeur empuante tout le quartier et promet une insalubrité dangereuse depuis déjà deux siècles.

En 1780, les riverains réclament que les corps soient désormais envoyés ailleurs. Le préfet de police Lenoir a alors une idée : transférer les corps dans les anciennes carrières de la plaine de Montsouris. Le cimetière sera ensuite fermé pour devenir un marché aux herbes et aux légumes. Mais il faut attendre 1785 pour que les choses sérieuses commencent. L’évacuation du cimetière des Innocent se fait à coup de pelles et de pioches.

On recueille tout ce qui ressemble de près ou de loin à un cadavre pour l’envoyer au « nouveau cimetière souterrain de Montrouge ». Mais les habitudes ont la vie aussi dure que le destin et le marché nouvellement installé verra l’arrivée de nouveaux morts en 1830. L’insurrection de juillet aura lieu précisément sur place et une trentaine de victimes y sera enterrée pour quelques heures.

Le 17 avril 1786, le site de la Tombe-Issoire est consacré religieusement. Le transport des ossements suit une étrange rituel destiné à « ne pas choquer les Parisiens ». La nuit tombée est le seul témoin du ballet incessant de chariots recouverts de draps noirs, chargés de leur macabre contenu, accompagnés de porteurs de torches et de prêtres peu discrets chantant l’office des morts. Les restes humains sont déversés depuis un puit de service vers leur nouvelle demeure…avant d’être consciencieusement rangés, empilés, presque mis en scène en des parois d’un genre inédit. Quinze mois de labeur interrompus par les chaleurs de l’été. L’idée est retenue : entre 1787 et 1814, 17 autres cimetières parisiens sont ainsi vidés et fermés.

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Les Catacombes de Paris : praticité et symbolique

Les cimetières de Paris se vident

Au XVIe siècle, Paris comptait 70 églises ou chapelles possédant crypte et cimetière particuliers. Au XVIIIe siècle, la ville compte encore plus de lieux d’inhumation dont cinq cimetières publics :

  • Les Innocents ;
  • Saint-Benoît ;
  • Saint-Honoré ;
  • Saint-Landry ;
  • Saint-Nicolas-des-Champs.

En l’espace de deux siècles, abbayes, couvents, séminaires, israélites et protestants ont investi la capitale avec leurs communautés et leur sites d’inhumation. Un total de 300 lieux supplémentaires. L’ossuaire des Catacombes ne cesse donc d’être agrandi jusqu’au moment des grands travaux haussmanniens entre 1859 et 1860. En creusant, des cimetières oubliés sont mis au jour avec leur triste contenu. Les ouvriers ont pour ordre de placer rapidement les ossements dans les tonneaux de ciment romain vides et de les faire transporter au cimetière de Vaugirard en attente de leur inhumation finale dans les Catacombes.

Le cimetière est vidé dans l’année, initiant un nouveau circuit de ce qui est déjà une découverte proposée au public. Le XXe siècle continue de remplir les Catacombes parisiennes. En 1906, suite à la construction des infrastructures du tout nouveau métropolitain, des ossements sont découverts au niveau du boulevard de Sébastopol avant d’y être transférés. En 1911, 1925 et finalement 1947, des fouilles faites dans la capitale amènent un dernier lot d’ossements dans les galeries souterraines.

Des galeries souterraines d’inhumation

Au fil des travaux d’urbanisme et de constructions nouvelles, des ossements sont régulièrement redécouverts dans tout Paris. Mais entre suppressions des fosses communes et trop-plein dans les Catacombes, les cimetières encore en activité développent leur propre petit réseau souterrain.

C’est ainsi que des galeries sont aménagées sous le cimetière du Montparnasse pour accueillir les victimes de l’épidémie de choléra de 1832. Contrairement aux Catacombes, ces sites ne sont pas devenus des lieux de visite. Les corps y furent jetés sans plus de soin que dans une fosse commune tandis que les Catacombes présentent les morts avec un ordre certain qui saisit les curieux aventuriers du monde des morts.

Les Catacombes de Paris : entre curiosité, musique et…résistance

En 1870, la guerre franco-prussienne amène au siège de Paris. La capitulation française fait bouillir les Parisiens. Une guerre civile éclate en 1871. L’insurrection dépeinte par Victor Hugo dans Les Misérables est écrasée à coups de cavalerie et de mousquets à baïonnette. Les insurgés sont poursuivis dans les rues et ruelles. La menace de représailles sévères est portée à la connaissance d’une population qui pourrait choisir de les cacher. Les pauvres bougres épris de liberté et de justice espèrent trouver asile dans les Catacombes. Mais on les y massacre. Une véritable chasse à l’homme se déroule dans les couloirs déjà emplis de morts…

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En 1897, un concert classique est donné au cœur du dédale, le « spirituel et profane » avec un carton d’invitation pour toute la bonne société…

Le 19 août 1944, l’insurrection de Paris est lancée. Le colonel Rol-Tanguy a transformé la galerie sillonnant sous la place Denfert-Rochereau en annexe de l’abri de défense passive tout proche. Ce dernier avait été créé dans les années trente face à la dégradation de la situation internationale. Raids aériens et attaques au gaz étaient à craindre depuis la Première guerre mondiale. Des abris furent ainsi installés sous Paris, profitant des mêmes réseaux souterrains que ceux qui initièrent les Catacombes. Le colonel y coordonne l’action de résistance contre l’occupant nazi chargé de détruire la ville par tous les moyens face à l’approche alliée.

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Les Catacombes de Paris, un lieu touristique

Le parcours des carriers

L’entrée se fait derrière la station de métro Denfert-Rochereau. On longe ensuite le sous-sol de la rue René-Coty jusqu’à l’aqueduc d’Arcueil avant de tourner à droite pour pénétrer dans l’ossuaire. La visite commence donc non pas avec l’impressionnant défilé d’ossements mais dans les pas de ceux qui les y ont précédés. La découverte du quotidien des carriers, de leurs méthodes de travail, de leur vie sous la terre s’expose aux yeux de tous. L’abri de défense passive entraîne les visiteurs vers les galeries et leur cortège d’inscriptions mémorielles de l’histoire de Paris et de la France. L’atelier démontre le savoir-faire des travailleurs d’antan, les sculptures dans les parois indiquent ce qui se trouve en surface.

L’ossuaire

« Ossements de l’ancien cimetière Saint-Jacques transférés en septembre 1859 », « ossements du cimetière des Innocents déposés en avril 1786 », « ossements du cimetière Saint-Nicolas-des-Champs le 21 août 1804 »… Seuls les transferts d’importance sont signalés par une plaque.

Dès 1810, la brochure de l’inspecteur général des carrières Louis Étienne François Héricart Ferrand intrigue les premiers visiteurs. Sans itinéraire défini, les visites génèrent des promenades improvisées durant lesquelles certains en viennent à se perdre… Mais des dégradations s’accumulent et le site est fermé en 1830. Bien que fermée au public, l’entrée d’origine perdure, sous la place Denfert-Rochereau, dans la cour du pavillon occidental de la barrière d’Enfer. Elle n’est plus empruntée depuis 1980.

Les visites débutent sous le Premier Empire, à la lueur des torches ! C’est au personnel accompagnant de choisir son parcours. Après les abus et autres personnes égarées dans les méandres souterrains, le site est fermé quelques années avant d’être rouvert au public avec beaucoup de restrictions. Le nombre de visites se limite à 4 par an et seuls les très petits groupes sont acceptés. En 1867, on peut profiter d’une visite mensuelle, laquelle devient bimensuelle en 1874. Depuis 1980, chaque jour, ou presque, accueille son lot de curieux, toujours sous l’autorité de l’Inspection des carrières sous Paris et plaines adjacentes.

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Le parcours définit depuis 1980 ressemble à celui de la surface avec ses allées, ses carrefours et ses pancartes. Le plus saisissant ne réside pas dans l’étroitesse des premiers goulots d’accès ni dans le témoignage gravé dans les parois de l’Histoire de Paris et de la France. Le spectacle attend les visiteurs arpente autant les galeries soigneusement entretenues que les monticules et autres parois façonnés avec les ossements. Crânes, tibias, bras, forment des amas étudiés tant pour impressionner le passant que pour rappeler que le trépas est chose sérieuse…

S’y ajoutent des tombeaux vides qui n’ont pour rôle qu’une scénographie doublée de consolidation du site et un autel sur lequel fut parfois célébrée quelque messe. Les monuments aux morts, connus ou anonymes, se mêlent aux plaques et stèles semées ici et là. Maximes latines, prières et citations extraites des écrits saints y sont gravées : « Écoutez ossements arides, écoutez la voix du Seigneur, le Dieu puissant de nos ancêtres rejoindra vos nœuds séparés, vous reprendrez des chairs nouvelles, la peau se formera sur elles, ossements secs vous revivrez ».

Sources :

  • Les Catacombes de Paris, Gilles Thomas et Emmanuel Gaffard, Parigramme, ed. 2014 ;
  • L’Illustration du 17 juin 1871 ;
  • Pixabay images libres de droit.

Visites :

Les Catacombes de Paris

2 commentaires

  • Carine Flutte

    J’avais visité les catacombes quand j’étais adolescente, mais je n’avais pas souvenir de tout ça ! Merci donc de m’avoir permis d’en savoir un peu plus sur les catacombes. Ceux qui s’y sont perdus ont-ils fini par en ressortir ou sont-ils venir grossir le nombre de squelettes ?

    • Clémentine Fourau

      Ah, ah, ah ! Pas que je sache, non ^^ mais il smeblerait que des recherches de plusieurs heures aient été nécessaires, d’où la fermeture des lieux et une autre politique de visite par la suite. Cela dit on imagine qu’une fois les torches ou les lampes à huile éteintes, il devait y avoir de l’ambiance pour les égarés ! Merci de ton commentaire Carine et d’avoir pris le temps de tout lire !

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