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Hiroshima et Nagasaki, villes martyres du nucléaire

« Je suis devenu la mort, le destructeur des mondes ». Après 75 ans, nombre de cérémonies, un monument et la préservation de quelques vestiges, Hiroshima et Nagasaki, villes martyres du nucléaire, ont changé. Mais ce visage salutaire ne saurait réparer l’un des pires actes de guerre de la Seconde guerre mondiale. Ces attaques nucléaires, fondée pour certains, n’étaient-elles pas surtout des expérimentations grandeur nature ?

Une attaque nucléaire inévitable ?

La question fait encore débat aujourd’hui. Beaucoup d’historiens contestent l’argument officiel américain soutenant la nécessité absolue de mettre fin à un conflit qui s’enlisait bel et bien.

Une démonstration de force pour les yeux du monde

Certes, la férocité de la Guerre du Pacifique n’est pas un secret et les forces alliées y perdaient un effectif grandissant de soldats. La mentalité nippone d’alors, la folie destructrice des chefs militaires japonais et le fanatisme cristallisé autour de l’empereur Hirohito, promettaient une guerre longue. Pourtant, des documents déterrés des archives américaines prouvent aujourd’hui qu’un autre but était poursuivi. Sauver les vies de soldats américains à tout prix ? Peut-être… Mais d’autres enjeux, politiques et stratégiques portèrent la décision finale :

  • tester sur une population humaine et « en situation » cette arme nouvelle et ses deux versions : uranium (A) et plutonium (H) ;
  • mettre un frein définitif aux velléités soviétiques déclarées depuis la prise de Berlin et la conférence de Postdam ;
  • obtenir une reddition sans conditions de la par d’un gouvernement japonais qui avait souffleté au visage des Alliés à Postdam en refusant toute proposition de paix.

Les Américains travaillent alors sur le projet « Manhattan » dès 1942 avant d’être épaulés par le Royaume-Uni et le Canada en 1943. Ils espèrent que leur premier prototype sera prêt pour être lâché sur Berlin, d’autant plus que les scientifiques du 3e Reich œuvrent eux aussi sur une arme nucléaire. La course lancée, les résultats se font attendre. La libération de l’Europe se fait donc à la force des armées. Mais quelques semaines seulement après la reddition officielle de l’Allemagne nazie et la fin de la guerre en Europe, le Comité des objectifs se réunit à Los Alamos.

Désignation des villes cibles : Hiroshima et Nagasaki en tête de liste

Mathématiciens, physiciens et militaires décident de cibles japonaises à envisager. Les critères sont à la fois stratégiques et psychologiques : frapper Kyoto, capitale médiévale du pays, comme Hiroshima et sa base militaire paraît intéressant… Plusieurs cibles sont ajoutées en attendant que les bombes soient fin prêtes : Yokohama, Niigata, Kokura, le palais impérial de Tokyo. Certaines consciences sont heureusement éveillées : Henri Stimson, secrétaire de la Guerre, et le professeur Edwin O. Reischauer s’élèvent contre une frappe sur Kyoto, ville historique très peuplée (beaucoup de Japonais avaient notamment fui Tokyo pour l’ancienne capitale). Hiroshima est donc choisie comme première cible.

Après une première bombe au plutonium testée au Nouveau-Mexique en juillet 1945, l’objectif devient réalité. Deux bombardiers B-29 de l’unité spéciale assignée au projet atomique sont désignés avec leur équipage, Enola Gay et Bockscar. Le 28 juillet, le gouvernement japonais rejette les propositions de paix émises par les Alliés à Postdam. Plus rien ne peut plus sauver Hiroshima et Nagasaki destinées à devenir des villes martyres du nucléaire.

Hiroshima, le 6 août 1945

Les Américains sont-ils certains du refus nippon ou bien tiennent-ils tant à leur test grandeur nature : l’ordre de largage est donné dès le 24 juillet. À compter du 3 août, le général Spaatz, commandant de l’armée de l’air US peut larguer les « bombes spéciales » dès que le temps sera favorable. La nature des bombes est encore secrète.

Hiroshima s’éveille ce 6 août 1945 sous le soleil. Elle est alors la seconde ville d’art et d’histoire, une part de la mémoire du Japon. Le nombre de ses habitants varie selon les sources entre 255 000 et 348 000 âmes. C’est un jour comme les autres et chacun se prépare pour une journée banale. Ou presque. En temps de guerre, certaines tâches sont atypiques mais habituelles. Les enfants emportent un casque de protection à l’école, certains, plus grands sont déjà assignés à la surveillance du ciel ou à l’approvisionnement des soldats. Hiroshima est la plus grande ville portuaire du Chûgoku. Son positionnement lui vaut d’être, entre autres, occupée par plusieurs camps militaires, dont :

  • celui de la 5eme division ;
  • le centre de commandement du général Shunroku Hata ;
  • le quartier général de la défense.

La ville est devenue, depuis avril 1945, un centre logistique très important pour l’effort de guerre japonais. On y entraîne même femmes et enfants quand ils ne travaillent dans les bureaux ou les usines.

Vers 7 h du matin, l’approche d’un avion ennemi est décelée et on donne l’alarme. Un gros B-29 survole en effet la ville avant de disparaître. Cet avion de reconnaissance préparait en réalité le terrain. L’alerte levée, les habitants retournent à leurs occupations. Plus tard, les radars signalent une petite formation de trois avions en approche. Les autorités militaires japonaises la juge trop petite pour être dangereuse. Aucune autre alerte ne retentit pour la population. Ces trois bâtiments sont pourtant LA menace. L’Enola Gay transporte la bombe A, The Great Artiste est chargé de prendre des mesures et de collecter des données, le Necessary Evil fera des photographies et filmera le massacre.

À 8 h 16, la bombe A chute sur la ville. Elle explose à 580 mètres au-dessus du sol, en plein cœur de la cité. Les relevés indiquent que sa puissance équivaut alors à 15 000 tonnes de TNT. En une fraction de secondes, des milliers de gens sont tués et tout est soufflé sur un périmètre de 12 km ! On ne retrouvera littéralement rien si ce n’est des traces de corps en négatif sur des murs ou des marches d’escaliers. Une gigantesque boule de feu et de gaz de 400 m de diamètre s’ensuit. Ses 4 000°C balaient toute vie et allument des incendies à plusieurs kilomètres de là. Pour finir, une énorme onde de choc achève de balayer les bâtiments encore debout, les rues et les personnes encore en vie. Le calvaire des rares survivants commence à peine qu’un champignon atomique bondit vers le ciel.

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Nagasaki, le 9 août 1945

Le jour même de la frappe sur Hiroshima, un officier part de Tokyo en avion pour tenter de comprendre la silence radio de la base logistique impériale. Il a beau tourner au-dessus de la ville pendant 3 h, il est incapable de saisir l’ampleur de l’événement. Tokyo reçoit l’information directement de Washington vers 20 h. Pourtant, la réaction des militaires qui tiennent les rennes du gouvernement nippon est sans espoir : les États-Unis bombardent le Japon depuis des semaines, en quoi ce bombardement serait-il différent ? Aucun de ces hauts dignitaires aveugles n’a fait le déplacement jusqu’à Hiroshima…

Nagasaki est alors l’un des principaux ports japonais. Depuis l’invasion de la Chine et de la Corée, il est ainsi devenu un centre industriel imposant pour l’action militaire du pays. De nombreuses usines y sont installées (munitions, aviation, marine, équipements divers, etc). La main d’œuvre nécessaire à leur bon fonctionnement a mené de nombreuses personnes sur place et la ville s’est considérablement développée autour du complexe militaro-industriel. Quelques bombardements classiques ont touché certaines installations mais sans grand succès militaire. Néanmoins, les habitants ont pris quelques précautions en évacuant les enfants ou en quittant la ville pour la proche campagne.

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Ce 9 août, le B-29 Bockscar part pour frapper Kokura. Il est également accompagné de deux autres bombardiers chargés de leur besogne scientifique. En chemin depuis l’île de Tinian, le second se perd et il faut l’attendre en vol. Mais le temps se couvre. Le pilote décide alors de choisir une de ses cibles secondaires : Nagasaki. Comme à Hiroshima, une alerte est lancée à l’approche des deux avions vers 8h du matin avant d’être levée. Ce n’est qu’à 10 h 58 que Bockscar largue sa bombe H, visant une des usines d’armement Mitsubishi. L’explosion a lieu à 469 m d’altitude. La force de 20 kilotonnes détruit tout sur 3,8 km². Trois ondes de choc atteignent les bombardiers US, poussant Bockscar à rentrer précipitamment d’autant plus, qu’à force d’attendre le retardataire, il risque de manquer de carburant.

Comme à Hiroshima, les maisons de bois et de papier ont disparu et les mourants sont des milliers. Mais il faut attendre le 14 août et l’invasion russe de la Mandchourie, jusqu’alors territoire nippon, avant que le gouvernement japonais accepte une paix sans conditions. Une seule assurance sera donnée au peuple : que son empereur aura la vie sauve.

Hiroshima et Nagasaki, villes martyres du nucléaire

Juste après le souffle mortel, les survivants sont étreints par une soif insupportable que rien ne peut apaiser. Faute de moyens de communication et parce que l’incrédulité se mêle à l’aveuglement, les secours tardent à arriver. Les poumons en feu et la peau attaquée par le rayonnement thermique, beaucoup meurent après des heures d’agonie.

Bien que huit autres bombes aient été en projet pour frapper sans relâche le Japon, Hiroshima et Nagasaki sont à ce jour les seules villes martyres du nucléaire. Cités tests, elles furent même envahies par un cortège médical américain sitôt la reddition signée. Le destin a durement marqué ces villes et leurs habitants. Nagasaki fut frappée en lieu et place de Kokura parce qu’un bombardier US s’était perdu dans les nuages, quant à Hiroshima… Hypocritement, les Américains ne visèrent pas l’île proche d’Ôkunoshima et son usine de fabrication de produits chimiques, destinés à des armes toxiques, jugée trop éloignée. Il est même très probable que cette première cible ait été épargnée par les raids aériens qui pleuvaient sur le Japon depuis des semaines afin de mieux juger des répercussions de l’arme nucléaire.

Aujourd’hui, les chiffres avancés par les deux nations ne correspondent toujours pas. Les États-Unis annoncent 70 000 morts pour Hiroshima et 40 000 à Nagasaki tandis que le mémorial pour la paix d’Hiroshima soutient le compte de 140 000 décès pour sa ville. Le décompte doit considérer les morts sur le coup mais aussi les survivants de quelques semaines, mois ou années. Des historiens portent ainsi les chiffres à 250 000 morts sur Hiroshima et 80 000 à Nagasaki.

Dans les semaines qui suivirent, l’aide médicale intéressée des Américains s’occupa des blessés et des survivants. Cette expérimentation humaine dura des décennies. Il n’était pas uniquement question de brûlures externes. Le suivi des survivants attesta de lésions des tympans, des sinus, des poumons, du tube digestif, d’écrasements, de traumatismes osseux et tissulaires, de brûlures internes, de divers cancers consécutifs aux irradiations. Près de 70% des décès postérieurs à l’explosion elle-même en résultaient.

Hiroshima et Nagasaki, villes martyres du nucléaire, se sont reconstruites. Après les retombées radioactives sous la forme d’une dense pluie noire, les relevés ont montré que l’exposition aux radiations étaient bien moindre que ce qui fut par la suite enduré sur d’autres sites tels que Tchernobyl. Les deux bombes ayant explosé au-dessus du sol, le pire fut enduré par les victimes d’irradiation immédiate. Le plus rude fut de vivre sans abri et sans vivres.

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Témoin en béton armé, le dôme du Centre de promotion industrielle d’Hiroshima est resté debout. Gardé en l’état, il est classé par Unesco depuis 1966 malgré les protestation conjointes des États-Unis et de la Chine. Fier survivant aux murs fissurés et à la carcasse mise à nu, il hurle en silence un « plus jamais ça » qui frappe les visiteurs.

Sources :

  • Wikipédia ;
  • U.S. National archives and records administration (domaine public) ;
  • U.S. Navy public affaires resources website (domaine public).

À visiter : Musée mémorial de la paix d’Hiroshima

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