Pourquoi Louis XIV faisait ses besoins devant tout le monde ?
Question intrigante n’est-ce pas ? Mais pourquoi donc Louis XIV faisait-il ses besoins devant tout le monde ? Il arrive parfois que les enfants viennent aux adultes avec la plus surprenante des interrogations. Et que ces derniers, sûrs de leurs connaissances, se retrouvent muets face à cette innocence assoiffée de comprendre l’inexplicable. Quoique ! Histoire Sympa, aidé des Taches de l’Histoire, vous dit tout.
Tout le monde veut être proche de Louis XIV
On connaît tous ce que l’on appelle communément des lèches-culs. Et bien cette activité n’est pas récente. Déjà sous la monarchie, certains nobles jouaient les fayots à la perfection. 8 avril 1703, plusieurs nobles viennent de terminer une partie de chasse à courre. Ils se retrouvent tous ensemble pour souper dans la grande salle du château du duc de Vendôme.
- « Mes chers amis, continuez de souper, je me retire quelques instants.
- Notre compagnie vous importune déjà cher duc ?
- Votre présence ici me ravit cher comte. Mais il est vrai qu’après deux jours de cheval pour une partie de chasse à courre, le parfum ne suffit plus à camoufler l’odeur. Mon épouse exige que je prenne un bain.
- Un bain !? Après seulement deux jours ! Vous avez tant de temps à perdre pour vous prélasser ainsi dans de l’eau si souvent. (rires)
- Oh, vous avez raison mes amis. Se laver tous les deux jours, ahahaha. Et puis c’est qui le seigneur ici, hein ? Ce n’est pas la duchesse qui va me dire quoi faire non plus !
- Qu’est-ce que tu dis ?
- Non, non, on, rien ma pupuce, rien ma chérie.
- Moi, deux jours, c’est le temps qu’il me faut pour aller à Versailles sur invitation de la Cour.
- Mais ça n’a rien à voir !
- J’y croise même parfois le roi… De loin.
- Oh, en parlant de bain, savez-vous que le roi a très bonne hygiène ? Il va souvent, lui, au bain. C’est lui-même qui me l’a dit.
- J’ai déjà parlé au roi, une fois, moi aussi ! De loin. J’ai déjà participé à un grand lever, j’ai même reniflé l’haleine du roi et, pour tout vous dire, il avait bien dormi…
- Je les faits moi aussi régulièrement les levers. Les petits et les grands. J’ai d’ailleurs même fait quelques couchers. De loin !
- Espèce de petit comte ! Moi, je suis régulièrement invité pour le pipi royal ! Et j’étais même présent lors de la grande diarrhée de l’automne 1697. J’ai même reçu quelques gouttes sur mon costume.
- Oooooh !
- Oui ! Et je ne l’ai même jamais lavé depuis.
- Et on peut le voir ?
- Moui, moi aussi j’aimerais bien le voir…de loin !
- Aaah, mais qu’est-ce que c’est que ce bocal plein de pisse ?
- C’est ce que j’ai récupéré un matin dans un pot de chambre.
- Aaaaah….
- Le pot du roi….oh ! »
Les Taches de l’Histoire nous le démontrent : être distingué par le roi Louis XIV n’avait pas de prix ! Et cela même si on en était réduit à renifler ses…humeurs physiques. Mais comment en est-on arrivé là ? Louis XIV a profondément transformé la monarchie française. Avec cette constante mise en scène de son quotidien, il a condamné une noblesse honnie par lui à des rôles de lèches-bottes, de faire-valoir dénués de tout pouvoir. Sauf celui de se faire mousser !
Louis XIV faisait ses besoins en public : une monarchie en constante représentation
S’il y a bien un roi français dont on nous rebat les oreilles très tôt c’est bien Louis XIV. Mais pourquoi ? Il existe beaucoup de réponses à cette question. Il a, par exemple :
- régné plus longtemps que n’importe quel roi de l’histoire de France ;
- fait bâtir le château (et le domaine royal) de Versailles ;
- institué la monarchie absolue ;
- connu l’affaire des poisons et de la sorcellerie au cœur même de la Cour ;
- forcé les nobles à vivre à sa botte ;
- conquis des territoires qui manquaient à la sécurité du pays et mis fin à des guerres qui duraient depuis trop longtemps (Guerre de Trente ans, guerre d’Espagne, etc.) ;
- fait de la France le pays le plus peuplé d’Europe ;
- redressé une économie malmenée par les guerres et la régence ;
- protégé les frontières de France notamment face aux velléités anglaises renouvelées par la naissance de la République du Commonwealth puis par un régime de monarchie constitutionnelle ;
- révoqué l’Édit de Nantes ;
- contrarié le Pape et l’autorité de l’Église de Rome à tout bout de champ ;
- créé la mode des perruques pour les hommes ;;
- fortifié villes et fronts de mer en collaboration avec Vauban ; etc.
Bref, il avait beau être roi, il était aussi un gros bosseur. Mais cela ne répond pas précisément à la question qui nous occupe. Pourquoi Louis XIV faisait ses besoins devant la Cour ? Revenons aux débuts de son règne.
Louis XIV et l’Étiquette
Les rituels du lever, du coucher, des repas, de la toilette, de la chaise percée pour soulager ses intestins et du pipi dans le pot devant un public se résument alors en trois mots : l’étiquette versaillaise.
Drôle de bête, cette « Étiquette » est l’ensemble des règles qu’il faut suivre à Versailles tout simplement parce qu’elle régit toute la vie de ceux qui y vivent. Le roi, la famille royale, les courtisans et les serviteurs doivent s’y soumettre. Malgré cette représentation constante des faits et gestes de l’intimité du roi, on dit qu’elle organise la vie privée du roi… Tout y est réglé comme papier à musique avec horaires pour chaque geste :
- se lever ;
- s’habiller ;
- se raser ;
- se laver ;
- faire pipi ou plus ;
- manger ;
- chasser ;
- écouter ses courtisans ;
- etc.
Ok, pensez-vous, mais à quoi bon du coup ? Cette extrême formalisation du quotidien tournée tout entière autour des faits et gestes du roi participe à la création et l’entretien du culte monarchique. Louis XIV c’est d’abord le roi de la monarchie absolue. Et on ne peut être ce genre de souverain sans être apparenté au divin. Tout culte de la personnalité vient de là après tout. Comme l’astre solaire qui lui a donné son surnom, Louis XIV a ainsi calé le rythme de chaque membre de la Cour sur le sien. Et toute manifestation d’attention de sa part envers un noble ou un autre est considérée comme une preuve de mérite, de reconnaissance qui le distingue de ses pairs. Tout le monde veut être le chouchou du roi !
La Fronde : une jeunesse royale soumise à la fureur des nobles
La monarchie absolue réglementée par l’Étiquette trouve ses origines dans ce triste épisode de la Fronde. Lorsque le futur Louis XIV a 4 ans, son père et son plus proche conseiller meurent. Louis XIII et le cardinal de Richelieu partis, la régence est entre les mains de la reine veuve, Catherine d’Autriche. Cette dernière est mal considérée par la noblesse française. Plus encore lorsqu’elle nomme un autre cardinal, Mazarin, pour seul et unique conseiller, respectant ainsi le testament de son défunt époux.
Une affaire de gros sous
À l’époque, la France va mal : la surpopulation déborde le rendement des cultures, les gens ont faim, la guerre d’Espagne vide les caisses et les nobles, très sollicités fiscalement, voient leur autorité de plus en plus remise en cause. En effet, depuis le règne de Henri IV, la monarchie se tourne vers l’absolutisme. Celui-ci exerce une politique au cœur de laquelle seul le roi et un conseiller décident. Or, depuis des siècles, et surtout Philippe IV le Bel, nobles et bourgeois sont conviés en parlements pour statuer sur divers sujets brûlants. Ils ont la possibilité de dire stop aux réformes, lois ou décisions qui vont à l’encontre de leurs intérêts.
La Régente décide de faire payer à tout le monde les dépenses de la couronne. Nobles et gens de biens (matériels) sont mis à contribution. Ça vous rappelle quelque chose ? Un parfum de révolution, non ? Et bien c’est ce que fut la Fronde.
Refusant cette mainmise toute puissante sur ses coffres bien remplis, la noblesse prend la tête d’une révolte contre la régence. En cela, elle est promptement encouragée par : certains proches de la couronne et des parents du roi qui veulent prendre la régence à leur compte : tonton Gaston de France, cousine Anne-Marie-Louis d’Orléans, etc. ; les récents événements en Angleterre avec sa République du Commonwealth suivie de sa monarchie constitutionnelle.
Les origines de l’étiquette versaillaise
Voilà que Paris se couvre de barricades et que les révoltés poussent le roi et sa suite à fuir régulièrement avant de revenir au Louvre. Fausses accalmies et conflits se succèdent tandis que Mazarin tente de réunir des alliés pour attaquer militairement. Les révoltés réunissent plus de partisans que lui.
Jusqu’en 1651, Mazarin peut protéger le jeune roi mais il doit subitement s’exiler pour sauver sa propre vie. Les révoltés attisent la colère populaire et, grâce aux Parisiens, la reine et le roi sont prisonniers du Palais Royal. C’est à cette époque que le futur Louis XIV endure une humiliation qui le marque pour le reste de son règne : ses gardes passent la nuit à vérifier s’il est bien là, qu’il ne s’est pas enfui ! Il doit donc, déjà, faire ses besoins devant témoins. On peut imaginer que ce petit stratagème lui inspire les bases de l’Étiquette. « On me voit, on me voit plus, on me voit, on me voit plus… »
La Fronde fait tomber Paris dans les mains et la tyrannie de ses meneurs. Mazarin revient et sa tête est mise à prix. Une guerre civile éclate dans tout le pays et divise les révoltés. Le jeune Louis XIV sait patienter. Le 21 octobre 1652, il se saisit de sa couronne. Il n’a que quatorze ans mais il défie Paris accompagné de troupes. Il renie publiquement les nobles et le Parlement des révoltés en insistant sur sa prérogative : le pouvoir de droit divin. L’année suivante, il se présente en chef militaire, amnistie ses ennemis mais leur impose exil de la capitale et interdiction de se mêler des affaires de l’État. « L’État, c’est moi ».
Parce qu’il a été contesté par une noblesse avide de pouvoir et humilié jusque dans sa chair, Louis XIV a donc créé un ensemble de règles strictes qui régissaient ses faits et gestes, obligeant les nobles à lui emboiter le pas. Sans plus autre ambition que d’être remarqué par le souverain, ducs et comtes s’affichaient à Versailles, dans l’espoir surprenant d’être conviés à ce spectacle inimaginable d’un Louis XIV faisant ses besoins en public. Vivre aussi proche de l’intimité du roi, quel honneur.
À voir :
Ridicule de Patrice Leconte, avec Charles Berling, Fanny Ardant, Judith Godrèche, Jean Rochefort, Bernaurd Giraudau, Jacques Mathou, etc.