Le 6 juin 1944 en Normandie, l’Invasion Alliée au Secours du Monde – partie 2
Pendant que leurs camarades risquent déjà leur vie à l’accomplissement de leur mission derrière les lignes ennemies, les hommes à destination des plages se préparent. Embarqués à bord des quelques 7 000 navires fonçant droit sur les côtes normandes, ils vont devoir éventrer le Mur de l’Atlantique. Transbordés sur de petites embarcations, dans le petit matin froid de ce 6 juin 1944 en Normandie, plus de 100 000 hommes vont se jeter dans la gueule du loup.
La plus grande armada que le monde ait jamais connu depuis la guerre de Troie
« C’est fantastique… On ne peut pas réaliser. » Prisonnier de son bunker de commandement pilonné par les navires alliés, c’est ainsi que le Major Werner Pluskat décrit sa vision dans Le Jour le plus long.
Une chimère bien réelle et cauchemardesque pour lui et ses hommes : près de 7 000 navires faisant front au large des plages de Normandie :
- des cuirassés ;
- des monitors ;
- des dragueurs de mines ;
- des transporteurs ;
- des croiseurs ;
- des navires de munitions et de ravitaillements ;
- des contre-torpilleurs en appui naval ;
- etc.
À l’est, ce sera Juno, Gold et Sword Beach pour les Anglais, les Canadiens et le commando Kieffer, direction Caen. Sur le franc ouest, les forces américaines prendront Utah et Omaha avant de gagner Bayeux. C’est du moins ce qui est prévu…
Les premières vagues s’annoncent par un bombardement aérien et naval à réveiller les morts.
S’il vous reste des forces : battez-vous pour survivre
Le plan est de détruire autant que possible les défenses ennemies avant même qu’un seul homme ne mette pied sur le sable. Chacun de ces gars transporte un paquetage de 32 kg. Ils se massent sur les ponts de transporteurs, alors que les obus leur passent au-dessus de leur tête. Cette fureur à leur service leur donne courage et espoir que leur tâche sera moins périlleuse que prévue. Malgré cela, les discours diffusés par haut-parleurs ne sont pas des plus réjouissants. « Battez-vous pour que vos troupes atteignent la côte, combattez pour sauver vos navires et, si vous avez encore des forces, battez-vous pour survivre. ».
Mieux encore : la descente dans les barges de débarquement fait déjà des blessés et des morts. La mer est si houleuse que certains tombent de l’échelle de corde, se noient ou s’amochent en s’écrasant dans les barges. Ceux qui atterrissent sans encombre dans la minuscule embarcation doivent déjà ôter leur casque pour écoper l’eau qui ne cesse d’y être projetée par les vagues. Le stress, la tension surprend déjà les soldats qui vomissent leur petit déjeuner.
Ils ne le savent pas encore mais le tir de barrage n’est pas un succès. Les 90 navires qui pilonnent les plages envoient 10 obus à la minute mais touchent peu leurs cibles. De même, les avions larguent leur colis trop loin des zones prévues, par peur de toucher les bateaux alliés. Ceux-ci sont pourtant stationnés à 15 km des côtes pour se protéger, obligeant les barges à un long et dangereux trajet. Au programme : la houle, le vent, le froid, les mines flottantes.
Composition des forces de débarquement sur les plages
Chaque barge amphibie contient 30 hommes. Chaque groupe se composait de 3 pelotons composé de 7 barges comprenant :
- un officier commandant ;
- un sous-officier en second ;
- une équipe de fusiliers ;
- une équipe chargée de couper les barbelés ;
- une équipe mitrailleuse lourde ;
- une équipe de démolition ;
- une équipe de mortiers ;
- des éclaireurs ;
- des aides-soignants ;
- une équipe du génie ;
- du personnel de liaison ;
- une équipe « normale » avec bazooka.
Utah Beach : premier choc du 6 juin 1944
C’est le premier débarquement.
Imaginons les Allemands d’abord assommés par un tir de barrage féroce qui voient arriver droit sur eux d’autres hommes venus pour les tuer. Logiquement, ils tirent sur les barges et l’un des vaisseaux d’escorte est touché. Il ne peut plus guider les autres navires de débarquement. Une déconvenue tragique qui laisse le courant entraîner les suivants à 2 km de la zone prévue.
C’est très ennuyeux : les hommes se sont entraînés pour une zone précise et doivent faire jonction avec leurs camardes de la 101e qui les attendent à Sainte-Mère-Église. Mais cet incident cache une vraie chance. La zone initialement prévue est la plus défendue.
À la place, les lieux sont forts inconfortables, avec des eaux profondes et une course de 1 000 m à découvert, mais ils sont justement quelque peu délaissés par l’armée ennemie. Ce n’est pas un déluge de feu qui accueille les hommes commandés par le brigadier général Théodore Roosevelt, fils du président. Avec ses 57 ans et une arthrite chronique, le bonhomme a tout de même tenu à être aux côtés de ses hommes. Il ne se laisse pas désarçonner par la situation.
La bonne décision de Théodore Roosevelt
À 6h 30, alors que s’abaisse les rampes de débarquement, les tirs d’artillerie fauchent leurs premières vies. Malgré tout, ils sont saccadés et cela aide les hommes trempés et effrayés à se frayer un chemin sur la plage. Ils peuvent compter sur les chars amphibie Sherman DD ayant réussi la traversée sans couler, 28 sur 32. Plusieurs sont pris pour cibles par les canons allemands et leurs pilotes ne peuvent que tenter de s’en extraire en hurlant alors que les flammes les happent à leur tour. Ils sécurisent néanmoins les lieux.
Canne à la main, T. Roosevelt suit ses hommes jusqu’aux dunes protectrices. Il pressent immédiatement que quelque chose cloche. S’aidant de sa carte, il comprend la situation. Il doit décider si les vagues suivantes débarqueront au même endroit ou prendre le risque de les envoyer sur la zone initiale encore défendue par l’ennemi. Pour lui, le doute n’est pas permis : « nous commencerons la guerre d’ici. ».
Le chemin vers Sainte-Mère-Église sera plus long. Le débarquement des 2e et 3e vague se fait sans heurts mais les hommes constatent aux corps déchiquetés, aux blessures saignantes dans l’eau, aux équipages de chars encore brûlants, que cette apparente facilité fut chèrement gagnée.
Omaha Beach la sanglante, un cimetière de sable
Aucun des autres points de chute ne fut plus propice à la version restée inutile de l’annonce rédigée par Eisenhower. Pour le soir du 6 juin 1944, le commandant en chef avait prévu deux versions, une en cas de victoire et une pour la défaite. En substance, cette dernière apparaît particulièrement appropriée à Omaha la sanglante. « […] Les troupes, l’aviation et la marine, ont fait tout ce que la bravoure et le sens du devoir leur permettaient d’accomplir. Je suis la seule et unique personne qui puisse être blâmée ou incriminée pour cette tentative et j’en assume seul la responsabilité ».
Des prévisions trop optimistes
Par manque d’informations, les généraux étaient optimistes quant à la prise d’Omaha. Prétendument peu défendue, ce point vital pour le débarquement devait être le moins complexe à atteindre. La suite prévoyait une avance de 10 km à l’intérieur des terres et l’installation d’une tête de pont de 30 km. Pour cette mission, 34 000 hommes et 3 300 véhicules furent mobilisés. En une demi-heure, la chose devait être réglée grâce aux chars amphibie, aux démolisseurs et au concours de soldats répartis par unités sur toute la longueur de la plage : Fox Red, Fox Green, Easy Red, Dog Green, Dog White, Easy Green.
Mais les défenses allemandes venaient d’être renforcées deux mois auparavant par des vétérans du front de l’Est. Ce n’étaient pas des gamins embrigadés depuis quelques mois à peine mais des durs à cuire qui avaient survécu à l’apocalypse russe. Rommel avaient en outre fait renforcer le Mur de nouvelles fortifications lourdement équipées (canons de 75 mm, mitrailleuses, canons antichars, lance-roquettes). Et le brouillard persistant empêche les avions bombardiers de distinguer nettement cette menace : ils larguent leur bombes à près de 5 km tandis que les vétérans allemands endurent le tir de barrage en toute discrétion. Le massacre peut commencer.
À peine embarqués, 27 des 29 chars coulent corps et bien, avec leur équipage, les vagues venant déchirer leurs jupes de toile flottante. Les autres véhicules, obusiers, bulldozers blindés connaissent un sort identique. Dans le même temps, les 1 450 hommes de la 1ere vague font route, secoués par la houle, malades de la mer et de peur. Ils espèrent que le bombardement des plages leur a préparé le terrain. Mais déjà les obstacles de Rommel déchirent le fond des barges en même temps que les canons ennemis ouvrent le feu sur eux.
Aucun abri autre que les pièges de Rommel
Les pilotes de barges ont beau faire, les vagues les ramènent vers les obstacles et les pièges. La panique les gagne et les marins annoncent l’abaissement des rampes alors qu’ils sont encore loin de la plage. Sitôt les lourdes portes tombées à l’eau, les mitrailleuses allemandes font feu, fauchant la masse des hommes encore à bord. Les sous-officiers installés dans le fond exhortent les soldats et avancer ou de se jeter sur les côtés de la barge mais de sortir coûte que coûte. Alourdis par leur équipement, certains se noient. D’autres se meuvent tant bien que mal entre les caprices de la mer et les balles qui fusent droit sur eux.
Les hommes pataugent et ne peuvent avancer hors de l’eau sans risquer une mort immédiate. Entre canons et mitrailleuses, la première vague est une catastrophe. Il ne s’agit plus de « faire le job » mais de survivre. Ceux qui s’arrachent de l’eau salée trouvent trop de galets pour creuser un abri. Les rares véhicules ayant survécu à la traversée sont mis hors d’état. Officiers, simple soldat, vétéran d’Afrique ou d’Italie, bleus complets, personne ne sait comment sortir de ce bourbier. Et chacun peut se faire tuer d’un instant à l’autre.
Les gars du génie sont un maigre espoir mais ils perdent beaucoup des leurs en détruisant mines et obstacles sur la plage avec peu d’équipement. Ils sont pris pour cibles par les tireurs. Les troupes préfèrent même se cacher derrière les obstacles de Rommel pour tenter de se protéger. Malgré tout, ces spécialistes de la démolition parviennent à dégager 5 chemin pour les barges des vagues à venir. Si elles viennent… Au final, les gars génie comptabilisent les pires pertes du Jour J.
Une seconde vague à l’aveugle
Il y a tant de corps jonchant la plage ou étendus dans l’eau que la seconde vague ne distingue presque rien des lieux à son approche. Les marins menant les barges se méfient de tout : des tirs, des obstacles minés, des asperges de Rommel qui éventrent les coques. Un embouteillage se créé sur la mer : comment approcher sans se faire tuer ? Comment aider les hommes à débarquer dans cette furie ? La falaise qui surplombe légèrement la plage est le seul recours. Encore faut-il y arriver entier.
Les soldats sont tués par les balles de mitrailleuses, par les obus des canons qui les déchirent, par les mines qui les pulvérisent. Le spectacle est monstrueux tant pour ceux qui sont miraculeusement en vie que pour ceux qui arrivent. Les hurlements désespérés des blessés sont à peine masqués par l’aboiement des armes. La mer devient rouge et charrie une triste cargaison inerte. Et la marée commence à monter, acculant les Alliés vers leur ennemi implacable. C’est en rampant que les rescapés se mettent à l’abri de la falaise. Dans ce chaos, il ne reste qu’une option : attaquer.
Un meneur d’hommes nécessaire
La peur règne et dans ces cas-là il faut des hommes qui parviennent à garder leur sang-froid et à donner les bons ordres. Le brigadier général Norman Cota, 51 ans, montre l’exemple. Il marche dos droit au milieu des hommes plaqués contre le surplomb, entre les corps inertes, à découvert. Il se montre rassurant, il persuade les hommes qu’il faut bouger avant de se faire tuer. Il tombe nez à nez avec un groupe de Rangers qui a manqué son point de débarquement. Il leur ordonne de se montrer à la hauteur de leur corps et d’ouvrir la voie.
Aidés d’une compagnie équipée de tubes à torpilles Bangalore, ils taillent une brèche dans le Mur. Les Rangers escaladent le reste de la falaise et se ruent sur les positions allemandes. L’impulsion est donnée. Ce sont aussi les Rangers qui font bouger les choses un peu plus loin sur la plage. Les hommes s’engouffrent par les brèches creusées une à une. La marine joue enfin son rôle à présent que les Allemands ont révélé leur position : destroyers britanniques et américains s’approchent dangereusement de la plage pour viser les casemates et postes d’artillerie. Ils abaissent leur canons et font mouche, enfin.
Les soldats américains qui le peuvent encore quittent Omaha la sanglante pour tenter de tenir le programme de la journée et avancent sur Vierville-sur-Mer et Colleville-sur-Mer.
Les secteurs interalliés du 6 juin 1944 en Normandie
La pointe du Hoc, une drôle d’escalade
Entre les plages d’Utah et Omaha, la Pointe du Hoc est une falaise abrupte de 30 m abritant, selon les renseignements, six canons. Pointés sur Omaha, ils pouvaient causer bien des dégâts. Une unité de Rangers se voit confié la tâche de grimper à son sommet depuis la mer et de détruire cette batterie allemande. Escalader une telle rocheuse sous un feu nourri promet d’être difficile même avec le bon entraînement.
Première vague : 225 hommes, suivie d’un seconde comprenant 500 autres soldats. Une autre unité doit venir en renfort mais elle se perd et se retrouve dans l’enfer d’Omaha avant d’être la clé du salut des survivants. En attendant, 9 barges filent sur la minuscule plage de galets qui baigne les pieds de la falaise. La houle dévie leur trajectoire et le soutien attendu de ceux qui se sont déjà égarés fait défaut. Un tir nourri s’acharne sur les embarcations obligées de manœuvrer pour revenir dans la bonne direction.
Les as de la grimpe au secours de leurs camarades
Coup de chance, le soutien naval se révèle ici plus efficace qu’ailleurs. Le bombardement est plutôt réussi. Néanmoins, les Allemands ne sont pas délogés et ne manquent pas de harceler les Rangers qui gagnent la plage, s’installent en contrebas et déploient leurs grappins et leurs échelles, cadeaux des pompiers de Londres, tant bien que mal. La falaise les protège légèrement des tirs mais pas des grenades. Il y a déjà des morts et des blessés. Certains hommes ne perdent pas de temps et commencent l’ascension à la seule force de leurs mains et de leurs pieds.
Parmi eux, il y a des as de la grimpe. Les espoirs de leurs camarades pèsent lourds sur leurs épaules. Les premiers arrivés au sommet sauveront les autres. Comme au Moyen Âge, ces hommes escaladent un rempart naturel protégés à son sommet de barbelés et d’ennemis armés jusqu’aux dents qui n’hésitent pas à couper des cordes. Les soldats restés au sol protègent leurs camarades de leur mieux.
Une menace où on ne l’attendait pas
Parvenus au sommet, les Rangers sautent droit dans les trous laissés par les obus alliés pour se préserver. Grenades et armes légères suffisent à dégager les lieux. En 5 minutes, le compte est bon. Il ne reste qu’à hisser les derniers grimpeurs et à saboter les canons. Mais en quelques instants, les hommes comprennent que ces 6 canons si dangereux qu’ils ont enduré pareille épreuve ne sont tout simplement pas là.
Certes le bombardement a creusé de nombreux trous et causé bien des dégâts mais le fait est qu’il n’a pas détruit les canons. Car la menace est tout bonnement absente. L’action de ce courageux groupe de Rangers n’est cependant pas vaine. La seule route partant de la Pointe du Hoc est minée et protégée par deux mitrailleuses. Les Rangers la sécurisent au prix d’autres vies et détruisent aussi une batterie bien cachée, pointée sur Utah Beach. 40 Rangers sont tombés durant l’escalade et 95 autres pendant la défense de cette position rudement atteinte.
Gold Beach, le retour des Britanniques en France
Pour leur 6 juin 1944 en Normandie, les forces britanniques ont deux objectifs à remplir : atteindre et prendre Bayeux d’un côté, faire jonction et soutenir les unités américaines envoyées sur Omaha de l’autre. Pour les aider, le tir de barrage effectué par des navires anglais débute dès 3h du matin.
Plus tardif que sa version US, l’assaut des troupes n’est lancé que vers 7h 30. Comme pour les autres, la plage codée Gold Beach a été divisée en plusieurs secteurs. Certains endroits sont particulièrement étroits et exposés aux Allemands qui gardent le Mur de l’Atlantique. La partie est rude car une batterie redoutable y a été installée sur Longues-sur-Mer. Les bombardements depuis les navires sont mieux réussis que du côté américain mais les constructions allemandes sont robustes.
Un bon appui blindé qui fait mouche
Le commandement britannique mise donc plus sur l’appui de chars d’assaut et de véhicules blindés pour soutenir les hommes. Contrairement à leurs homologues US, les officiers en place décident de soustraire ces véhicules aux risques de coulage. Tant pis pour la prudence, les chars et leurs équipages seront débarqués à 900 m de la plage, pas moins. Ce sont les longs landing craft tank, des bateaux de débarquement pouvant acheminer des véhicules lourds en plus des troupes, qui encaissent le choc.
Pourtant, là aussi les pertes sont nombreuses. Les chars amphibies sont pris pour cibles et les heures s’accumulent avant que la plage de Gold ne soit nettoyée de toute menace. Si les tirs des chars ont sévèrement mis à mal les défenses ennemies, là encore les mines et les mitrailleuses ont tué beaucoup d’hommes. Les corps, en un seul ou plusieurs morceaux, jonchent le sable. Une fois sortis du sable, les Anglais filent sur la batterie de Longues-sur-Mer pour la mettre hors d’état.
Un héros ordinaire du 6 juin 1944 en Normandie
Plus loin, c’est en direction de Mont Fleury que le sergent-major Stanley Hollis fait preuve d’une stupéfiante efficacité. Entre les tirs de mitrailleuses, il file au pas de course sur deux casemates qu’il détruit à l’aide de grenades. Plus tard, rendu à Crepon, il récidive face aux postes de mitrailleurs, sauvant au passage deux de ses hommes.
Comme espéré, l’appui des blindés est crucial à La Rivière. Deux chars Churchill (et oui, ce n’est pas une blague) participent avec des projectiles de 18 kg, à la conquête de la petite ville. Au lieu de se battre de maison en maison pour débusquer l’ennemi, les blindés ratissent tout, même au lance-flamme. Néanmoins, les combats sont plus rudes près de Bazenville et de Port-en-Bessin occupés par des vétérans du front Est. Pourtant, les troupes britanniques atteignent Bayeux qu’ils prennent dès le lendemain. Au soir du 6 juin 1944 en Normandie, les missions sont remplies pour Gold Beach mais au prix de 400 morts alliés.
Juno Beach : l’affaire des Canadiens
Juno Beach est la mission des forces canadiennes. Située entre les plages britanniques, elle doit aider à débarquer hommes et matériel pour gagner Bayeux puis Caen. Le bombardement depuis les navires canadiens, anglais, norvégiens et même français est impressionnant. Il donne confiance aux hommes qui approches dans les barges.
Hélas, comme sur Omaha, les Allemands ont enduré leur supplice dans l’ombre, pour mieux contre-attaquer le moment venu. À peine les rampes de débarquement sont abaissées que les soldats canadiens tombent. Cette fois-ci les chars ne sont pas au rendez-vous : retardés par le gros temps, il arrivent derrière les troupes et en sous-nombre !
La course commence pour sauver sa vie, entre les tirs ennemis et les mines masquées par le sable. Les pièges de Rommel achève de percer le fond des landing crafts. Malgré cela, les forces canadiennes tiennent leur engagement : une heure après la première vague, la plage est sécurisée pour les suivants.
Le chemin se poursuit vers Graye-sur-Mer avec un affrontement maison par maison cette fois. Il faut toute la journée pour en venir à bout. Du côté de Saint-Aubin-sur-Mer, c’est une boucherie. Les Canadiens sont décimés par les tirs de mortiers, les canons antichars et les mitrailleuses. On peine même à identifier les corps. À 11h 30, un char allié fait enfin le ménage mais les pertes sont lourdes. À l’inverse, Bernières-sur-Mer est prise en 1h. La rage des Canadiens est telle qu’ils déciment parfois l’ennemi au lance-flamme au cœur des casemates d’où sortent des hurlements.
Durant ce temps, un embouteillage s’est créé sur la plage avec beaucoup de véhicules et de blindés livrés sans encombre. Du coup, leur renfort se fait attendre alors que les troupes canadiennes atteignent l’aérodrome de Carpiquet. Persuadés qu’ils risquent une contre-attaque féroce, les Canadiens préfèrent attendre. Ils ne savent pas que les Allemands sont paniqués et auraient alors peu résisté. À la place, il faudra un mois aux forces canadiennes pour prendre l’aérodrome. Le soir de ce 6 juin 1944 en Normandie, les Canadiens dénombrent la perte d’environ 1 000 hommes.
Sword Beach : le melting-pot européen du 6 juin 1944
Pour prendre Sword Beach, les Alliés alignent le plus gros de l’immense flottille amenée au large des côtes normandes. Ils veulent s’assurer l’éradication des batteries ennemies. Mais ce faisant, ils rassemblent un effectif qui devient aisé à couler pour la seule offensive maritime allemande du D Day. Tout occupés qu’ils sont à bombarder la côte, les navires alliés ne voient pas venir la menace de 4 sous-marins ennemis et leurs 18 torpilles. Un destroyer norvégien coule rapidement avec ses 30 marins.
La plage de Ouistreham et le Casino
Face à la plage, la petite ville de Ouistreham est l’enjeu pour les Britanniques. Depuis ce point de départ, les troupes doivent rejoindre les troupes de Juno, la 6e division aéroportée britannique et filer sur Caen. Sur leur chemin, ils seront amenés à rencontrer les chars de la 21e Panzerdivision.
Dans le landing craft qui les mène vers l’enfer, le major CK « Banger » King lit à ses hommes des extraits du Henry V de Shakespeare. Il espère les motiver, leur faire oublier quelque peu leur mal de mer, leur peur et calmer leur nervosité. La force des vagues n’épargne personne mais, pour une fois, peu de chars tombent à l’eau. Passant devant les hommes, ils font leur travail.
Le débarquement est un modèle de bataille éclair. Même si des vies ne sont pas épargnées, la seconde vague trouve déjà les lieux accueillants avec un maire de Colleville ravi. Pour affirmer cette première victoire, le joueur de cornemuse Bill Millin s’emploie déjà à faire du bruit. C’est en entendant ce son que les para de la 6e division tenant le Pegasus Bridge depuis 0h 15 du matin comprennent que la relève arrive enfin.
Non loin, un cafetier normand sert à boire aux valeureux libérateurs, sans doute les deux seules bouteilles de champagne qu’il ait réussi à soustraire aux Allemands en 4 ans d’occupation. Si les Britanniques rechignent un peu, les Belges, Polonais, Néerlandais,, Juifs allemands et les Français ne refusent pas un petit verre. Le commando de Philippe Kieffer a pour mission de prendre le casino de Ouistreham tout proche. Celui-ci a été transformé en base fortifiée de commandement allemand.
Impossible de prendre Caen au soir du 6 juin 1944
Les combats sont difficiles, de même que la route vers Caen. Cette ville cruciale n’est pas prise dans la journée, contrairement aux prévisions. Ce contretemps entraîne de lourdes conséquences. Le débarquement des troupes et des véhicules sur Sword se fait à marche forcée mais il doit supporter deux inconvénients majeurs qui se complètent : la marée montante et les tirs d’une artillerie allemande qui entend détruire et tuer tout ce qui s’y trouve. Il faut neutraliser les casemates lourdement armées sans l’aide des blindés. Le trajet est lent, mortel et fastidieux.
En toute fin de cette journée du 6 juin 1944 de Normandie, les troupes alliées renoncent à Caen faute de soutien. Pire : cela laisse le temps à la 21e Panzerdivision de parcourir le chemin en direction de Sword Beach. 50 chars plus imposants et performants que les blindés alliés. Parmi ceux-ci, 3 chars Sherman sont équipés de canons capables de contrer les véhicules ennemis. Ils en détruisent suffisamment pour que, soutenus par un renfort de troupes acheminées par planeurs, les Allemands battent en retraite. En dépit de près de 400 morts, tous ces hommes issus des quatre coins d’une Europe qui les avait rejetés à la mer ont réussi leur retour.
Au soir du 6 juin 1944 en Normandie, les objectifs de base sont atteints mais il est évident que l’optimisme des planifications est contredit. Les plages ciblées sont occupées néanmoins, la résistance allemande fera durer les choses plus longtemps que prévu. Sur quelques 132 715 hommes débarqués par la mer, on dénombre plus de 10 000 morts, sans compter les 3 000 civils Normands tués par les 11 912 bombes lâchées sur la Normandie. L’épreuve fut un supplice pour chacun mais la Bataille de Normandie ne fait alors que commencer.
Sources :
- 6 juin 1944, Débarquement en Normandie, vision stratégique de la guerre, général Jean Compagnon, collec. Histoire, éditions Ouest France, 2011 ;
- Magazine Les Grandes affaires de l’Histoire, hors-série n°6, 2eme Guerre Mondiale – Les grandes batailles, le Débarquement de Normandie, 2014 ;
- Wikimedia et Juno Beach Center pour les images libres de droits.
À visiter :
- cimetière américain de Colleville ;
- site de la Pointe du Hoc ;
- globalement tous les musées qui sont dédiés à Overlord en Normandie dont celui de Juno Beach.