Les Reliques Sacrées d’Hitler de Sidney Kirkpatrick
Il existe pléthore de romans, de biographies, de confessions, de recueils compilant des recherches sur la quête effrénée de reliques qu’ordonna Adolf Hitler. Pour soutenir la théorie nazie d’une race aryenne seule digne de diriger un monde à son image, les reliques sacrées d’Hitler, objets de légendes dont la réputation seule serait garante de ses théories fumeuses, étaient LA clé. Sous le nom d’Ahnenerbe, une vaste organisation créée par Himmler se lança à l’assaut du monde ésotérique. Avec son roman historique, Sidney Kirkpatrick nous plonge dans une infime partie de cette page d’histoire.
Un universitaire à la poursuite des reliques sacrées d’Hitler
Dans les rues ravagées de Nuremberg, plus âme qui vive ne se fait voir. Seuls quelques soldats alliés vont et viennent, aménageant le tribunal du plus grand procès du XXe siècle. Dans cette cohue aux airs de fin du monde, le lieutenant Walter Horn est mandaté par ses supérieurs pour une étrange quête.
Officier dans l’armée américaine mais d’origine allemande, il avait jusqu’ici pour charge les interrogatoires dans la ville de Namur. Mais, au cours de l’un d’eux, un prisonnier lui a fait d’étranges révélations. Des reliques sacrées du saint empire germanique seraient cachées à Nuremberg, dans les entrailles du château médiéval, sur ordre d’Hitler. Le sang de Walter Horn n’a fait qu’un tour. Il est avant tout un historien d’art ayant exercé comme professeur d’Histoire à l’Université de Berkeley depuis son exil d’Allemagne.
Ses supérieurs sont vite convaincus que le prisonnier ne peut mentir. Ils ordonnent de reprendre le bunker caché menant sous le château tandis qu’Horn est envoyé à Nuremberg pour enquêter. Une fois sur place, entre les rapports de la bataille qui a opposé les soldats alliés aux habitants fanatisés de Nuremberg et autres soldats Allemands, et la méfiance qu’il suscite, Horn se retrouve avec nombre de difficultés qui ne vont pas lui faciliter la tâche. Car rien ne lui sera épargné dans son enquête :
- ses origines allemandes attisent la défiance ;
- l’idée que le caractère de sa mission est absurde au vu du nombre de morts et de la dévastation générale pour les officiers américains dont il sollicite le concours ;
- l’atmosphère qui oppresse tous ceux qui se retrouvent dans les ruines de Nuremberg ;
- l’ombre des souvenirs douloureux qui reviennent le hanter.
Pourtant, Horn sait que c’est là l’une des plus nobles tâches qu’ait connu la sombre période de la Seconde guerre mondiale.
Un roman historique basé sur des faits réels
« Les reliques sacrées d’Hitler » de Sidney Kirkpatrick est un très bon livre. En plus d’être une enquête passionnante et vraie, c’est une sacrée leçon d’histoire et d’histoire de l’art. Oubliez les fantaisies d’un certain « Da Vinci Code » qui font parfois sourire car ce récit retrace non une fiction mais une enquête qui a réellement eu lieu, des faits avérés par l’acteur de cette histoire, décédé aujourd’hui.
Il y a cependant un léger revers à cette attention du détail et de la vérité historique. La densité peu commune de cet ouvrage fait que, même pour l’historienne d’art confirmée qui anime Histoire Sympa, sa lecture fut parfois laborieuse. On perd le fil de l’enquête si on s’attache au foisonnement de détails. Conclusion : mieux vaut le lire deux fois : une fois pour le plaisir, une fois pour la connaissance. Ce qui fait que vous ne regretterez pas votre achat et certainement pas votre lecture.
Cela dit, tout y passe : les souvenirs du personnage principal lorsqu’il vivait en Allemagne, lorsque, jeune étudiant, il a connu la montée du nazisme, les conflits idéologiques avec sa famille, fait le choix de l’exil, tente de renouer des amitiés perdues, éprouve le sentiment de déracinement, le racisme affiché des soldats américains et anglais qui devraient être ses premiers soutiens, l’incrédulité des autorités d’occupation devant sa mission, les inquiétudes pour ses proches restés en Allemagne et peut-être morts avec la fin de la guerre, etc.
L’écriture de Sidney Kirkpatrick ne laisse aucun doute sur la véracité des évènements passés et présents du récit. L’état de délabrement physique et moral de l’Allemagne est poignant. La fascination hitlérienne associée à une habile manœuvre idéologique devant asseoir le nazisme et son premier représentant comme une idole désignée par les puissances divines et ancestrales de l’Allemagne est parfaitement explicite.
On sait à peu près tous quel était l’intérêt malsain d’Adolf Hitler pour les œuvres d’art à signification symbolique. Avec ce livre ayant pour source le vécu, on en apprend plus encore. Sidney Kirkpatrick décortique le cheminement de cette folie qui était parvenue à tout salir, même les trésors d’une nation, de l’humanité. Un bon mélange des genres, réussi et d’une richesse peu commune.
L’Ahnenerbe : fondations des théories aryennes nazi
La télévision n’existe pas et peu de gens voyagent, observent le monde. L’esprit critique populaire ne connaît que la radio, le livre et la presse écrite. Sans autre référence que ce que l’on peut aisément contrôler, il est aisé de formater les esprits. Dès 1933, Hitler met en place un vaste programme de propagande, véritable usine d’endoctrinement de la société allemande.
Autodafés de tout ce qui pourrait éveiller les consciences, les faire réfléchir, suivis d’une totale main mise sur tout écrit et le tour est joué. Réécriture des programmes scolaires, enseignement médical et scientifique basé sur les théories nazis, presse orientée, événements populaires destinés à enfoncer dans le crâne du citoyen allemand (et européen si possible) la supériorité raciale germanique comme une vérité absolue. Ce vaste enfumage est largement servi par les travaux de l’Ahnenerbe.
Petit aperçu sur ce que fut cet organisme de recherches à l’origine, entre autres, de nombreux pillages de trésors de l’Humanité partout dans le monde. Créé par Himmler avec le concours de Herman Wirth et Walther Darré en 1935, cet institut scientifique n’a en réalité qu’un seul but. Son nom, « héritage ancestral », évoque d’emblée la sournoise démence qui s’y rattache.
Himmler, qui adhère aux théories raciales de son maître, veut que des recherches archéologiques, anthropologiques, historiques, théologiques et culturelles en prouvent le bien fondé. La race Aryenne et sa destinée de domination mondiale reposerait dans l’héritage humain.
Une antiquité germanique revisitée et glorifiée est ensuite dévoilée au peuple allemand à travers des expositions, des publications vulgarisées, des conférences. Ces outils de propagandes et d’endoctrinement sont de premier ordre. Comment nier les faits démontrés par des scientifiques, preuves matérielles à l’appui ?
Depuis les expérimentations médicales de Dachau jusqu’à l’étude des peintures rupestres, tout y passe. Obsession hitlérienne oblige, des quêtes plus ésotériques et mystiques que scientifiques s’infiltrent dans le projet.
N’en déplaisent aux détracteurs d’un certain Indiana Jones, le Graal fut un des objectifs de l’Ahnerbe. Tapisserie de Bayeux, cathédrale de Chartes, château de Montségur, Carnac, le Languedoc, sont quelques-uns des sites privilégiés. Au final, si la France est un terrain de jeu idéal. Mais peu de recoins du monde échappent à cette quête effrénée qui dura jusqu’en 1945.
Pour découvrir l’envers du décors et une version moins édulcorée qu’un certain Monuments Men souhaite projeter, lire Les reliques sacrées d’Hitler est une bien agréable démarche.
- Les Reliques Sacrées d’Hitler – Sidney Kirkpatrick
- Éditions du Cherche Midi 20 euros
- En version poche chez Pocket
Sources :
Les reliques sacrées d’Hitler de Sidney Kirkpatrick ;
Wikipédia et Pixabay