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Dater la Grotte Chauvet : un sacré défi !

Fin 1994, trois spéléologues découvrent la grotte ornée de la Combe d’Arc, plus tard baptisée grotte Chauvet, dans le Sud de l’Ardèche. Au cœur de l’espace naturel, dans l’amphithéâtre, sur plus de 25 m, s’organise l’une des fresques les plus imposantes de l’art paléolithique. Les techniques utilisées et la qualité des ornementations ont bouleversé l’idée que l’on se faisait de l’art pariétal. Ce joyau présente 3 caractéristiques exceptionnelles : l’ancienneté, la qualité de la conservation, et l’abondance des représentations artistiques.
Se posent alors, naturellement, des questions : à quelle période ont été peintes ces figures ? Comment se fait-il qu’elles soient si bien conservées ? Histoire Sympa vous explique comment les archéologues sont parvenus à dater la grotte Chauvet Pont d’Arc !

Vues de la grotte Chauvet
Vue extérieure de la grotte Chauvet et détail de squelette d’animal


Obtenir une date pour la grotte Chauvet

« La grotte Chauvet est caractéristique parce qu’elle offre une diversité de morphologies et de dépôts qui sont autant de mémoires de l’histoire de la Terre et de l’humanité. »

Jean-Jacques Delannoy, géomorphologue, professeur de géomorphologie à l’université Savoie Mont-Blanc et membre de l’équipe scientifique de la grotte Chauvet Pont d’Arc.

Grace à de multiples études et échantillons soumis à datation, les œuvres pariétales de la grotte Chauvet sont datées d’environ 40 000 ans, soit la période du Paléolithique supérieur (38 000 – 10 000 avant le présent (AP)). Il s’est avéré que ces représentations avaient près de 33 000 ans, soit près de deux fois plus anciennes que celles de la grotte de Lascaux – qui datent « seulement » du Magdalénien (17 000 – 14 000), il y a 17 000 ans.

Une information si incroyable qu’elle fut, un temps, mise en doute par plusieurs membres de la communauté scientifique. Ces derniers refusaient de croire que des hommes ayant vécu il y a plus de trente millénaires aient pu si bien maîtriser l’art figuratif. Aujourd’hui, nul ne remet plus en cause ces dates.
Sur le vaste territoire occidental, ces groupes humains appelés Aurignaciens, sont les auteurs d’une nouvelle culture qui se développe, avec notamment l’art préhistorique.

Concordance de datations de la grotte du Pont d’Arc

La grotte Chauvet Pont d’Arc est celle ayant bénéficiée du plus large jeu de datations indépendantes, appliquées sur des vestiges anthropiques et naturels. Cet ensemble permet désormais de dessiner un scénario très cohérent de l’histoire de la grotte. 259 datations réalisées sur des morceaux de charbons de bois, dessins, tracés pariétaux et des ossements animaux, en particulier d’ours des cavernes, ont permis de réaliser la chronologie la plus précise pour comprendre l’histoire de la grotte tant pour l’activité des hommes, que celle des animaux.

Rhinocéros peint dans la grotte Chauvet
Rhinocéros dans la grotte Chauvet

L’approche scientifique leur a permis d’associer dans un même modèle toutes les données à leur disposition, qu’elles soient d’ordre archéologique, paléontologique, ou géomorphologique.
Ces résultats ont fourni un scénario cohérent faisant apparaitre une fréquentation humaine de la grotte au cours de deux périodes bien distinctes.

Plusieurs périodes d’occupation de la grotte Chauvet

Il nous est désormais possible d’affirmer qu’une première occupation humaine a eu lieu de 37 000 à 33 500 ans, et qu’une seconde, s’est déroulée de 31 000 à 28 000 ans. C’est au cours de la première occupation humaine qu’auraient été réalisées la plupart des œuvres. Nous savons qu’il y a eu au moins deux phases de décoration pariétale. Entre elles, des événements se sont produits dans la grotte, des animaux ont circulé, ont abîmé les parois, et des phénomènes de décomposition des parois se sont produits.

Vue intérieure grotte avec plan d'eau

L’histoire de la grotte de Chauvet est liée à l’évolution morpho sédimentaire (des sédiments du sol) de son entrée. Cela a eu une implication sur les occupants et sur la conservation des vestiges.

La conservation exceptionnelle de la grotte Chauvet Pont d’Arc est largement due à la fermeture précoce de son porche. Des études montrent que cette dernière n’a pas été seulement brutale mais s’inscrit dans une longue évolution morphologique du secteur d’entrée. La grotte s’ouvre au pied d’un escarpement calcaire qui est tombé à trois reprises, respectivement aux alentours de :

  • 39 000 ans ;
  • 34 000 ans ;
  • et 31 000 ans.

Parmi eux, l’éboulis inférieur renferme des vestiges de charbons datés de l’Aurignacien (43 000 – 29 000 ans AP). Hommes et animaux pénètrent alors dans la cavité par un porche largement ouvert. Au Gravettien (31 000 – 23 000 ans AP), le comblement partiel de l’accès les oblige à ne rentrer que par la seule partie est de ce porche.
Des recherches géomorphologiques publiées en 2012 ont montré que l’entrée naturelle de la cavité par laquelle pénétraient les hommes de la Préhistoire et les différents animaux a progressivement été obstruée à partir de 29 500 ans, empêchant toute entrée dans la grotte. Puis un écroulement polyphasé de la corniche ferme définitivement la grotte vers 21 500 ans.

Chevaux dans la grotte Chauvet
Les fameux chevaux de la grotte Chauvet


L’art pariétal pour donner une date à la grotte Chauvet

La grotte Chauvet contient 447 peintures réalisées par des artistes de la préhistoire, dont 355 identifiables sans erreur.
Il y a beaucoup d’expressions figuratives, parmi lesquelles, des empreintes de mains positives et négatives ainsi que des représentations d’animaux. Les principales espèces animales dessinées par nos ancêtres préhistoriques sur les parois de la grotte Chauvet sont une majorité des animaux très dangereux (ours des cavernes, rhinocéros laineux, mammouths, lions…). Tandis que, les animaux chassés à cette époque, (les rennes, bisons, chevaux) sont peu ou pas représentés. Certaines représentations uniques dans l’art pariétal paléolithique (panthère, hibou) y sont également présentes.

mains positives et négatives dans une grotte
Mains négatives et positives dans une grotte


Notons que la présence de nombreux ossements d’animaux a permis également de compléter les datations. Aucun reste humain n’a été découvert dans la grotte étant donné que les hommes n’y habitaient pas, mais la fréquentaient occasionnellement.
Bien que de l’ocre rouge ait été utilisé pour confectionner les peintures, toutes les datations concernent les réalisations produites à l’aide de charbon de bois car il n’existe aucune technique actuellement pour dater directement les pigments de couleur.
La grotte Chauvet est composée de 9 salles en tout, dont 4 ornées. La hauteur de plafond varie de 15 à 30 m.
Les peintures de l’entrée de la cavité (salle Brunel et celle des Bauges) sont dessinées avec des pigments minéraux d’ocre rouge, tandis que les peintures du fond de la grotte, plus humide, sont réalisées à l’aide de charbon. La Salle Hillaire, par exemple, a des concrétions plus cuivrées (rouge et orange). Des galeries latérales et des vestibules sont également décorés.
Parmi les peintures, nous trouvons le panneau des lions, la galerie des mains et la Vénus de la grotte. Une autre technique graphique utilisée est la superposition d’images similaires, générant l’illusion du mouvement de l’animal.

Concrétions dans une grotte

Les méthodes de datation utilisées dans l’étude de la grotte Chauvet

Les méthodes de datation permettent de situer dans le temps un objet, des restes fossiles, et d’estimer une date la plus précise possible. Si le Carbone 14 est la méthode communément connue ; ce n’est qu’une méthode parmi les autres.

Les datations au Carbone 14 permettent de dater l’âge d’échantillons recueillis par les chercheurs, que ce soit en archéologie, en géologie ou en climatologie.
Comment fonctionne la méthode de datation au carbone 14 ? On vous explique !

Méthode de datation au Carbone 14

L’utilisation de la méthode de datation au 14C, utilisée pour dater les figures de la grotte de Chauvet, étudie les matières organiques qui composent les peintures, le plus souvent du charbon de bois utilisé pour faire du noir.

Regardons d’un peu plus prêt, comment cela fonctionne ….

La datation par le radio carbone permet d’estimer l’âge de vestiges archéologiques, peintures rupestres, sédiments. Son principe : utiliser les propriétés de décroissance radioactive de l’isotope carbone 14, atome présent dans toute matière organique. De leur vivant, ces organismes ont un taux de carbone 14 constant du fait de leur échange permanent avec l’atmosphère. À leur mort, les échanges cessent : il n’y a plus d’apport de carbone 14 et sa teneur décroît alors progressivement, selon une courbe décroissante connue (ci-dessous).

Décroissance radioactive du Carbone 14 diagramme

C’est la méthode du C14 qui a été utilisée pour dater, en 1950, des morceaux de charbons de bois trouvés sur le sol de la grotte de Lascaux.
À la fin des années 70, ce procédé de datation a connu une avancée importante grâce au développement de la spectrométrie de masse par accélérateur (SMA). Cette technique permet d’isoler, grâce à un accélérateur de particules couplé à des spectromètres de masse, un faisceau d’atomes de carbone 14 et de compter ces atomes individuellement dans une chambre d’ionisation.

Ce procédé isotopique est sans cesse amélioré depuis 2010. L’intérêt majeur de la SMA est de permettre de dater de très petits échantillons : moins d’un milligramme de carbone suffit pour une analyse, soit environ mille fois moins que pour la technique classique de datation (fondée sur la mesure de sa radioactivité bêta). Ces avancées technologiques permettent de dater des objets jusqu’à 50 000 ans (BP) avec de faibles quantités de matière.

Richesse d’une équipe pluridisciplinaire et études complémentaires

Selon Jean-Michel Geneste, archéologue coordinateur des recherches dans la grotte Chauvet Pont d’Arc de 2001 à 2018, la richesse naturelle du site, du point de vue archéologique et paléontologique, fait qu’il a fallu réunir un grand ensemble de disciplines scientifiques. Des archéologues, des généticiens, des spécialistes de cendres volcaniques, etc., soit au total une quarantaine de spécialistes s’est mobilisée pour effectuer les recherches.

Venus de la grotte Chauvet
La Venus de la grotte Chauvet

Suivant l’objet à dater, le contexte de sa découverte, la matière et la quantité que l’on peut prélever, plusieurs techniques peuvent être déployées.

Par exemple, la méthode de datation par uranium/thorium a été appliquée à une stalagmite développée à la surface de l’éboulis de l’entrée préhistorique de la caverne, montrant que la fermeture de la grotte remontait à plus de 13 000 ans. Cette méthode est régie selon le même principe que celle de la datation au Carbone 14 ; c’est uniquement l’élément chimique étudié qui diffère. Ce résultat a été précisé par la datation au chlore-36 des quatre écroulements de corniche, qui ont séquentiellement obstrué puis définitivement fermé l’entrée de la cavité.

Certaines méthodes étant trop destructrices ou trop coûteuses, on peut parfois préférer dater les sédiments qui entourent un artefact plutôt que l’objet lui-même. Souvent, pour dater des découvertes, aussi bien lithiques qu’osseuses, plusieurs méthodes sont utilisées conjointement. Ces multiples expériences permettent d’affiner ou de confirmer une datation. Plusieurs programmes internationaux d’intercomparaison – consistant à distribuer des fragments d’un même charbon dans différents laboratoires de datation 14C – ont été menés, auxquels plus d’une dizaine de laboratoires dans le monde a participé (Europe, États-Unis, Nouvelle Zélande).

En règle générale, les menaces qui existent sur les grottes ornées sont plutôt liés aux conditions hydro-climatiques, l’humidité, la température dans la grotte. La grotte Chauvet est fermée grâce à l’éboulis naturel, lequel continue de la préserver depuis plus de 30 000 ans. La grotte du Pont d’Arc a été inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco 2014, en reconnaissant sa dimension unique et universelle. Une réplique de cette grotte a été construite à Vallon Pont d’Arc (grotte Chauvet 2) pour permettre au public de découvrir les merveilles que contient la caverne originale, tout en la préservant.

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Article proposé et rédigé par Sabine Haas, rédactrice web SEO

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