Le Jour J 1944 en Normandie, l’Invasion Alliée au Secours du Monde – partie 1
Le Jour J 1944, le D-Day, le Débarquement avec une majuscule. Ce 6 juin 1944 est fêté tous les ans, il fait partie du paysage touristique et économique de la Normandie. Mais que représente-t-il encore pour les jeunes générations ? Alors que les derniers acteurs de cet assaut normand disparaissent, la mémoire de cette invasion spectaculaire et sanglante doit perdurer. Elle est le témoignage ultime d’une fraternité dans le combat, d’une victoire en demi-teinte qui annonçait un succès mondial pour les forces alliées contre la tyrannie et la folie nazie. Elle est l’héritage de ces hommes qui ont tout donné pour la liberté de leurs semblables, qui sont venus faire « le job » dans un pays étranger et parfois mourir à l’aube de leur vie.
Première vague d’assaut du Jour J 1944 : éclaireurs et parachutistes en danger
Eisenhower est en charge de l’opération Overlord depuis le début 1944. Il a rejoint ceux qui, dès 1941 savaient qu’il leur faudrait de nouveau affronter le feu ennemi sur les terres de France. Le débarquement sera la première étape de cet affrontement. Mais cette opération Neptune, si bien préparée soit-elle, dépend de nombreux facteurs inconnus. À commencer par le temps. Début juin, tout est enfin prêt mais les conditions météorologiques sont désastreuses. Vers 4h 15, le 5 juin, une légère amélioration se profile. Eisenhower se décide donc : l’assaut se fera dans la nuit du 5 au 6 juin 1944.
Des prévisions pessimistes
Les ordres sont donnés. Les hommes se préparent.
Les quelques 156 000 stationnés sur les bateaux savent que le matin à venir sera crucial et rude. Mais avant eux, ce sera aux parachutistes d’agir. Largués sur le sol français, ils doivent :
- détruire des menaces armées ;
- prendre et garder des points stratégiques : ponts, carrefours, villes, gués ;
- empêcher les renforts allemands de rejoindre les plages.
Sans eux, les troupes venant des plages ne pourront pas avancer dans les terres. Sans eux, ces mêmes hommes risquent d’être massacrés par l’ennemi basé face à la mer. Leur rôle est primordial car l’objectif initial est de gagner Caen et Bayeux dans la journée.
Toute la journée, ils s’équipent d’un paquetage pouvant peser de 80 à 130 kg. Ceux qui transportent des armes supplémentaires, tels que les mortiers, devront littéralement être poussés tant pour monter que pour sauter des avions. Ils se peignent le visage de noir, reçoivent les encouragement d’Eisenhower lui-même venu serrer quelques mains des parachutistes des 82e et 101e divisions. De leur côté, les Anglais de la 6e division aéroportée mettent synchronisent leurs montres après avoir reçu les dernières consignes du général Gale.
Le risque est grand pour ces 24 000 hommes car :
- ils vont être positionnés en pleine nuit derrière les lignes ennemies ;
- devront tenir leur position toute la journée en attendant les renforts depuis les plages ;
- des unités allemandes sont récemment arrivées dans le Cotentin, près de leurs zones de largage ;
- si le débarquement échoue, ils seront abandonnés en Normandie ;
- le temps reste mauvais et risque de malmener les avions ;
- la défense anti-aérienne allemande promet d’être féroce (balles traçantes et obus).
Depuis plusieurs semaines, les Alliés bombardent régulièrement la côte normande pour égarer l’ennemi, lui faire croire que l’assaut se fera au Pas-de-Calais et surtout l’habituer à des raides secondaires. Ainsi, espère-t-on, le passage et le bruit d’avions au matin du débarquement passera-t-il « inaperçu » jusqu’au moment de l’assaut sur les plages. Les incertitudes sont telles que l’on prévoit 80% de pertes.
Un vol dans les pires conditions possibles ou presque
Tôt dans la nuit (22h), 1087 avions, escorteurs, planeurs et bombardiers, s’élèvent dans les airs. Il y a deux sortes de parachutistes : ceux qui vont sauter à 300 m au-dessus du sol et ceux qui vont atterrir avec les planeurs. Parmi eux, les éclaireurs sont les premiers sur place, vers minuit. Ils doivent installer des balises de repérage pour guider le reste des avions. Entre les zones inondées et le noir complet, leur tâche est difficile. Pire encore, ils remarquent que d’autres zones sont impraticables pour les planeurs car plantées de pièges imaginés par Rommel (« asperges de Rommel »).
Le vent reste fort, le brouillard intense : les pilotes peinent à distinguer les autres appareils de leur formation. Alors qu’ils passent les îles anglo-normandes de Jersey et Guernesey, le bal commence. La DCA allemande ouvre le feu. Dirigés par un sous-marin de la Royal Navy, les avions braquent et font cap vers le Cotentin. Dans 10 min, il faudra sauter.
Pour tromper l’attention ennemi, d’autres aéronefs filent au-devant larguer des mannequins figurant des parachutistes. Lorsqu’ils touchent le sol, ils explosent, donnant l’illusion d’une attaque : de quoi occuper les troupes allemandes un moment.
Le brouillard est cependant le pire des ennemis durant tout le vol. Avec le manque d’expérience des pilotes. Ils n’ont guère volé de nuit, moins encore avec des objectifs aussi précis et importants à remplir. Pire, ils ne savent pas voler aussi bas que nécessaire. Le saut se fait à 300 m d’altitude, à la merci de la DCA. Entre les nuages bas, le manque de visibilité et la pluie de feu émise depuis le sol, plusieurs avions décrochent de la formation, oubliant l’ordre absolu de tenir le cap quoi qu’il arrive. Au final, nombre d’hommes sont :
- largués à des kilomètres de leur zone d’action ;
- éparpillés et parfois franchement perdus ;
- tombent dans les marais et se noient à cause du poids de leur équipement ;
- mitraillés, encore en l’air, par les Allemands.
Le plus tragique exemple se trouve à Sainte-Mère-Église, alors que des hommes tombent au cœur de la petite ville tragiquement éveillée à cette heure. Un incendie s’y est déclaré quelques instants plus tôt et tous les habitants œuvrent à l’éteindre, sous l’œil vigilant des soldats d’occupation. Lesquels ne manquent pas de tuer tout parachutiste arrivant.
Le sort des divisons aéroportées américaines et britannique au cours du 6 juin 1944
La 101e division aéroportée US, le début d’une légende
Les tirs anti-aériens et les obus touchent avions et planeurs, détruisant 29 appareils. Tout à leur angoisse et leur stress, nombre de parachutistes diront qu’ils n’avaient jamais eu autant hâte de quitter un avion. Et tant pis pour l’enfer qui les attendait au sol. La toile blanche de leur parachute les trahit immédiatement, autant que la lune devenue bien visible avec une météo plus calme.
La 101e division aéroportée est devenue légendaire. Son objectif de la nuit du 6 juin ? Sécuriser les zones inondées derrière Utah Beach, empêcher les contre-attaques pour assurer la liaison des troupes débarquant sur Utah et Omaha Beach. Ils doivent prendre tout passage enjambant la Vire, près de Carentan. Les lieux ont été inondés sur ordre de Rommel. Avant même de sauter sur la Normandie, la 101e subit le feu allemand. Seuls 38 des 120 éclaireurs sont largués sur zone. Les hommes se retrouvent ainsi parachutés hors de la zone prévue, blessés par un atterrissage dans les marais, parfois noyés ou abattus sur place. Seuls les pilotes des planeurs parviennent à limiter les dégâts. Complètement éparpillés, ceux qui peuvent se battre sont égarés et surtout loin de leur objectif ! L’effectif en ordre de marche est plus que réduit avec 30 hommes d’un côté et 75 de l’autre.
Malgré cela, chaque gradé en état de commander enclenche la mission. Les combats sont difficiles avec ce sous-effectif, les pertes nombreuses. Arrivés à 0h 30, ils ne sécuriseront les sorties pour Utah Beach que 90 minutes avant le débarquement. Au soir du 6 juin 1944, on avait perdu la trace de 3 500 hommes sur 6 600. Dans les jours qui suivirent, nombre d’entre eux retrouve son chemin. Mais il y eut tout de même 182 morts, 537 blessés et 1 240 disparus.
La 82e division américaine au comble de la malchance dans la nuit du Jour J 1944
L’obstacle représenté par les marais artificiels et la défense allemande fut plus important encore pour la 82e. L’échec des éclaireurs coûta plus cher à cette division qu’à la 101e. Leur objectif est l’intérieur des terres, le pont de Merderet et Sainte-Mère-Église. Une belle route entre Utah Beach et Cherbourg.
À la place, ils tombent dans l’eau, s’y noient, sont abattus empêtrés dans leur parachute pendu aux branches des arbres ou tombent nez à nez avec l’ennemi au cœur de la petite ville normande en proie aux flammes. Pour certains hommes, le chemin à parcourir depuis leur point de chute jusqu’à leur objectif leur demandera 2 jours ! D’autres se joindront à la 101e qu’ils rencontrèrent par le plus grand des hasards.
Guère plus chanceux, le lieutenant-colonel Benjamin Vandervoort se fracture la cheville en atterrissant. Il se fait tracter sur une charrette jusqu’à Sainte-Mère-Église. Il y trouve au petit matin un bourg déserté par les Allemands mais jonché des corps de ses soldats tués avant même de toucher le sol. Sainte-Mère-Église est la première ville française libérée à un prix très élevé. Durant les 36 heures qui suivent, les Allemands contre-attaquent et les parachutistes, coupés de toute aide, tiennent bon. Même les planeurs leur acheminant du matériel s’écrasent.
Du côté du pont de Merderet, c’est le même refrain : sous-effectif et manque d’équipement pour tenir les lieux durement conquis. Cet exploit prouve à lui seul que l’entraînement fut rude et leur détermination décisive. En fin de journée, on comptait 4 000 disparus sur 6 029 hommes. Une fois le groupe reconstitué des soldats égarés à plusieurs kilomètres, on dénombra 156 morts et 756 disparus.
La 6e division britannique : un parcours sans faute chèrement payé
Les para américains sécurisaient leur zone en lieu avec les plages attribuées à leurs troupes, Utah et Omaha. De leur côté, les Britanniques s’occupaient des alentours de Sword Beach, direction Caen. Au programme : Ranville, Varaville, Touffreville, leurs carrefours et leurs ponts enjambant le canal de Caen sans oublier la batterie de Merville près de Ouistreham. Il est primordial de prendre le Pegasus Bridge et de détruire la batterie allemande avec ses bunkers pleins à craquer de canons visant la plage.
Plus chanceux que les Américains, les pilotes de planeurs parviennent à se poser en silence, si près du Pegasus Bridge qu’ils en écrasent 5 m de barbelés. L’effet de surprise est total lorsque les hommes de la 6e division bondissent à 15 m de la casemate la plus proche d’eux. Ils se ruent sur l’ennemi somnolent, suivant les ordres du commandant-général Howard. L’opération est un succès en moins de 15 minutes.
Mais le plus dur sera te tenir la position jusqu’à l’arrivée de renforts. Durant 7 semaines, une bataille d’usure oppose les deux camps. La rage ennemie enfle avec la perspective de la défaite. La Bataille de Normandie est statique pour les hommes de la 6e division en charge du Pegasus Bridge. À la fin août, il ne restait que 40 des 181 hommes de la compagnie envoyée sur cette zone et un seul officier du 6 juin 1944 est encore débout : Howard, blessé deux fois.
La batterie de Merville est plus rude à prendre. Les avions trouvent le bon point d’atterrissage mais les dégâts sont impressionnants. La riposte ennemie abat plusieurs planeurs et tue 71 des 196 pilotes. Largués en catastrophe, les para se dispersent aux quatre vents. De petits groupes, dont le génie, se réunissent néanmoins pour détruire les ponts. Avec les 150 hommes (sur 700) qu’il parvient à réunir, le lieutenant-colonel Otway entreprend de remplir la mission. Le raids aérien n’a pas entamé le béton de la batterie. Otway ordonne un assaut frontal.
En manque d’hommes, de ravitaillement et d’équipement, le petit groupe fait le tour de la batterie, s’aide de quelques-uns volontaires pour se coucher sur les barbelés afin d‘aider leurs camarades à passer, traverse le champ de mines et ouvre le feu. La moitié des hommes est tuée mais la mission est accomplie. En l’absence d’explosifs, Otway ne peuvent que neutraliser la menace de canons de 75 mm. La 6e division aéroportée britannique compte 650 morts.
Les parachutistes du jour J de 1944 assurent leur mission, en dépit des nombreux imprévus qui ravagent leurs rangs. Alors que la nuit disparaît sur la mer, c’est au tour du gros des troupes de risquer le tout pour le tout dans un choc inédit tant par son ampleur que par sa sauvagerie. Découvrez les suites du 6 juin 1944 dans notre seconde partie.