Mini-série les Rois Maudits : la seule adaptation qu’il faut voir
Même George R.R. Martin, auteur mondialement connu du « Trône de fer », le reconnaît : Les Rois Maudits sont une source d’inspiration inépuisable. Bande-dessinée, séries TV, films, romans, la guerre des rois pour la couronne de France anime les méninges de bien des conteurs ! Saga en 6 romans de Maurice Druon, cette fresque historique n’a pas pris une ride. Elle brille mieux encore à travers la première adaptation réalisée pour la télévision en 1972. Histoire Sympa vous explique pourquoi il s’agit de la seule adaptation qu’il faut voir absolument et sans modération.
Une mini-série les Rois Maudits entre fiction et réalité
Mini-série historique de 6 épisodes d’environ 1 h 30 chacun, Les Rois maudits présente une version scénarisée du récit de Maurice Druon. Servie par un casting de choix pour l’époque, elle conte avec force une époque rude tant pour le peuple de France que pour ses souverains. Ainsi que les événements, parfois secrets, qui enclenchent la guerre de Cent ans. Au programme ? Adultères, exécutions publiques par bûcher ou supplices et pendaison, empoisonnements, assassinats, complots, sorcellerie, guerres, etc. On n’y réveille pas les dragons si ce n’est dans le cœur des hommes et on n’invoque pas des flammes infernale sauf pour brûler vif les ennemis de la couronne mais, franchement, ça dépote ! Ou plutôt ça dégage…
Aucun de deux hauts personnages ne pouvaient imaginer […] qu’ils seraient, par l’enchaînement de leurs actes, les premiers artisans d’une guerre entre la France et l’Angleterre, une guerre qui durerait plus de cent ans…
Les Rois maudits – mini-série – épisode 1 « Le roi de fer »
Retour au XIVe siècle…
L’histoire débute ici en 1314. Le royaume de France ne se porte pas trop mal grâce à la politique menée par celui que l’on surnomme le roi de fer : Philippe IV dit le Bel. Petit-fils de Saint-Louis, Philippe IV a innové et bouleversé les codes de la royauté dans un seul but : donner à la France une véritable unité royale.
En effet, jusqu’alors, le roi français n’avait que peu de pouvoir et le territoire qui tombait effectivement sous son unique autorité était restreint. Imaginez : Paris et sa région seuls relevaient de la main mise monarchique. Le souverain de la France devait composer avec les nobles, grands seigneurs en régions parfois plus riches que la couronne elle-même ! Dans ce temps-là, déjà, le pouvoir c’est l’argent. Dès son arrivée sur le trône en 1285, Philippe IV met en œuvre une politique qui vise à élargir son autorité tout en affaiblissant celle de la noblesse. L’unité nationale, le pouvoir au roi, voilà l’ambition de Philippe IV.
La France des XIIIe et XIVe siècles : un pays divisé
Comment ça marche en France au XIIIe siècle ?
Très différemment de ce que l’on imagine.
Le roi de France n’a autorité que sur un tout petit territoire à peine plus grand que Paris. Les seigneurs se partagent de grands territoires tels que :
- le royaume de Champagne ;
- la Normandie ;
- la province du Maine (entre Paris et la Bretagne) ;
- le duché de Bourgogne ;
- le comté d’Anjou ;
- le comté de Poitou ;
- le duché d’Aquitaine ;
- la terre d’Auvergne ;
- la Guyenne (de Bordeaux à Bayonne) ;
- le royaume de Navarre ;
- le comté de Flandres ;
- le comté de Nevers.
Par mariage, rachat de terres et autres spoliations ou guerres, Philippe IV rattache peu à peu au domaine royal la Navarre, la Bourgogne, les Flandres, la Guyenne, la Champagne ainsi que les grandes cités de Lille, Douai, Béthune et Lyon.
Philippe le Bel et ses magouilles
Entre autres petits arrangements de son temps avec les lois, l’économie et la monarchie, Philippe le Bel se fait beaucoup d’ennemis.
- Le pape Boniface VIII qui affirme que l’autorité de l’Église prévaut sur celle de toute couronne ;
- Les nobles n’apprécient ni de voir le domaine royal s’agrandir à leurs dépens ni de voir augmenter leurs impôts et moins encore de constater que le roi ne tient plus compte de leurs avis, leur préférant des roturiers légistes ;
- La bourgeoisie et le petit peuple perclus d’impôts ;
- Les Flamands et les Anglais concurrencés quant à la prise de possession de terres en France ;
- Une population qui certes, vit un peu mieux, mais doit subir une fluctuation monétaire au gré des humeurs de son souverain.
Qui demande au peuple son opinion ? Vous, messire de Marigny ! […] Vous avez cru bon d’assembler les bourgeois, les vilains et autres manants pour leur faire approuver les volontés du roi, à présent, le peuple s’arroge le droit de juger !
Les Rois maudits – mini-série – épisode 1 « Le roi de fer »
Qu’importe au roi, il fait :
- élire un pape français, Clément V, qui siège ensuite au palais d’Avignon et qui sert les intérêts du trône de France ;
- interdire aux seigneurs de faire fabriquer leur propre monnaie comme cela était la coutume ;
- dévaluer la monnaie en général grâce, entre autre, à la création d’une fausse monnaie ;
- spolier les fortunes des récalcitrants, surtout les Juifs de France avant de les chasser du pays ;
- instaurer un système monétaire axé sur les impôts imputables à tous, nobles et bourgeois compris ;
- installer une politique pensée et mise en œuvre par le roi avec le seul conseil d’hommes de loi et on plus des seigneurs.
Philippe IV fait en sorte que le royaume de France abandonne un système féodal pour se moderniser et gagne son pari. À la fin de son règne, le pays est plus prospère et le plus peuplé de la chrétienté : quand tout va bien à cette époque, le bien-être général se mesure à sa démographie bien portante. Malgré tout, rien n’est rose pour les petites gens…
Qu’est-ce que c’est qu’une vie d’homme ? L’époque est rude, sacrément rude. Une femme sur deux crève en couches, deux enfants sur trois trépassent au berceau. Et les hivers de famines et les années de peste… Est-ce que Dieu est économe de la mort ?
Les Rois maudits – mini-série – épisode 1 « Le roi de fer »
Les Rois maudits mini-série et romans : mythe ou réalité ?
Le fait est que les événements laissent franchement penser que les descendants de Philippe le Bel ont manqué de chance…
Les Templiers au service de la chute des rois de France ?
Maurice Druon entame son récit avec la fin d’une procédure judiciaire inique de 7 ans. La Couronne de France contre l’Ordre du Temple. En 1307, le roi fait arrêter tous les Templiers de France lors d’un magistral coup de filet coordonné sur tout le territoire. Pour mieux se débarrasser de la puissante organisation, munie de ses soutiens multiples et d’une grande fortune tant pécuniaire que territoriale, Philippe le Bel entend livrer les prisonniers à l’Inquisition.
Tous les prétextes sont bons pour leur faire avouer de quoi les condamner à mort. Le but recherché est pluriel et les historiens sont partagés. La théorie défendue par Maurice Druon et cette mini-série Les Rois maudits est que le roi devait beaucoup d’argent aux Templiers. Il leur a emprunté de grosses sommes pour financer sa politique et a préféré les éliminer plutôt que de les rembourser.
Torturés, salis de fausses accusations, les quelques milliers de Templiers français arrêtés meurent tout au long des 7 années de procédure. En 1314, il n’en reste que 4 dont le plus illustre, Jacques de Molay, grand maître du Temple. Alors qu’il a avoué ses crimes imaginaires et doit, avec ses codétenus restants, être épargné mais enfermé à vie sous la garde du nouveau pape français, il renie publiquement ses aveux. Humilié une fois de trop, Philippe le Bel décide de mettre un terme définitif à cette guerre des nerfs et ordonne que le grand maître soit brûlé vif avec ses compères. L’exécution est publique. Le roi entend le grand homme le maudire à travers les flammes, lui et tous ses descendants.
Les coïncidences plaisent aux romanciers. Maurice Druon n’aurait pu trouver mieux :
- Le pape Clément V, instrument du roi et co-conspirateur dans la chute des Templiers meurt un mois après l’exécution ;
- Philippe IV meurt à son tour quelques mois seulement après Jacques de Molay ;
- Enguerrand de Marigny, le plus proche conseiller royal est condamné à mort l’année suivante ;
- Les fils de Philippe IV règnent peu de temps et chaque fois, leurs actions sont un désastre pour le royaume avant que la mort ne les emporte prématurément : Louis X (règne 2 ans), Philippe V (règne 5 ans), Charles IV (règne 6 ans).
- Les guerres et conflits avec l’Angleterre et les Flandres reprennent, les famines ressurgissent ainsi que les épidémies accompagnées d’émeutes populaires sévèrement réprimées.
- La dernière héritière de Philippe IV, Isabelle de France, mal mariée au roi anglais Edouard provoque la guerre de Cent ans, l’héritier le plus direct après cette hécatombe semblant pendant un moment être le fils d’Isabelle. Mais les seigneurs français, à commencer par le frère cadet de Philippe IV, Charles de Valois, s’y opposent catégoriquement…
Un casting de rêve et de pros pour une mini-série sur les rois maudits
_ Décidément, je n’aime pas le mot.
Les Rois maudits – mini-série – épisode 1 « Le roi de fer »
_ Lequel ? Vengeance ?
_ Oui
_ Il faut être roi pour dire justice.
Produite par l’ORTF (ancêtre de France télévision), la mini-série Les Rois maudits de 1972 joue la carte de comédiens de haute volée, formés à la Comédie française, de costumes soignés et de décors minimalistes. Le résultat est flamboyant.
Face aux décors tout en jeux de lumière et mobilier imitant celui du temps jadis, une pléiade de talents s’emploie à nous faire vivre cette rude période comme une réalité palpable.
Le style est clairement théâtral et servi par la crème de la Comédie française qui suit à le lettre le roman écrit par Maurice Druon.
Aux manettes d’un complot qui vise autant à la destruction de ses ennemis couronnés que ne le fait la malédiction du maître du Temple, Robert d’Artois, héritier déchu de ses biens par décision royale, entend faire tomber celle qui lui a tout pris mais est aussi un seigneur de France proche de la couronne. Sa tante, Mahaut d’Artois a manœuvré en secret pour lui prendre le comté d’Artois de manière habile. Elle a marié ses filles à deux des princes, offrant sur un plateau les territoires qui faisaient défaut à Philippe IV. C’est donc par la chute de ces filles que viendra la vengeance de Robert et qui, mêlée aux revers du destin de la France, engendrera la guerre de Cent ans.
Mais bien sûr que j’agis par vengeance ! […] On m‘a volé l’héritage de mon comté, ma Dame, pour le donner à ma tante Mahaut ! Qu’elle crève ! Que la lèpre lui mange la face ! Savez-vous ce que c’est qu’un comté ma Dame, vous qui êtes reine ? Ce que c’est que le comté d’Artois ? C’est de la terre, de la bonne terre grasse qui colle aux mains et où les bottes s’enfoncent, pourrie de graines et de charognes ! Je la veux cette terre.
Les Rois maudits – mini-série – épisode 1 « Le roi de fer »
Tout commence par une présentation contée par l’excellent Jean Desailly. Les personnages sont placés et les comédiens affirment d’emblée leur superbe.
- Jean Piat est le calculateur Robert d’Artois
- Hélène Duc sa tante sournoise et mauvaise
- Louis Seigner un banquier prêt à toutes les magouilles pour remplir ses coffres
- Georges Ser incarne un Louis X plus bête que nature
- Georges Marchal est idéal en Philippe IV
- Jean Deschamps donne ses traits et surtout de la voix au bouillant Charles de Valois, toujours prêt à se quereller avec André Falcon l’excellent Enguerrand de Marigny
Sans oublier les parfaites et brillants :
Geneviève Casile (Isabelle de France), Muriel Baptiste (Marguerite de Bourgogne), Catherine Rich (Jeanne de Bourgogne), Catherine Hubeau (Blanche de Bourgogne), Jean-Louis Broust (Edouard III d’Angleterre), Henri Virlojeux (cardinal Duèze), Georges Staquet (Lormet), Jean-Luc Moreau (Giccio Baglioni), Claude Giraud (Lord Roger Mortimer), André Luguet (Hugues de Bouville), José-Maria Flotats (Philippe V), et tant d’autres !
Pourquoi regarder Les Rois maudits la mini-série ?
_ Sans elle vous n’auriez rien appris. Mais elle me hait comme elle vous hait, comme elle nous hait tous !
Les Rois maudits – mini-série – épisode 1 « Le roi de fer »
_ Dieu vous pardonne vos crimes.
_ Il me pardonnera plus vite mes crimes qu’il ne fera de toi une femme heureuse !
_ Je suis reine, j’ai un sceptre, un royaume que je respecte.
_ Et moi j’ai eu le printemps ! L’amour d’un homme […] !
La pléiade de personnages est impressionnante mais elle répond à l’œuvre originale qui imbrique chacun dans les complots menant à la guerre des trônes. Dès lors que Robert d’Artois entre en action, plus rien ne peut plus arrêter la marche du destin. Les adultères des belles filles royales sont les prémices à une cascade de trahisons, d’assassinats, de complots mêlés, avec un soupçon de sorcellerie et de rebondissements nés de la malchance des uns quand les autres sont sauvés…pour un temps seulement.
Les dialogues créés par Marcel Jullian sont des copies conformes de l’écriture de Maurice Druon et déclamés avec tant de force que l’on en oublie le style vieux français. La seule différence notable réside dans le fait qu’il y a 6 épisodes alors que l’œuvre de l’écrivain compte 7 tomes. On apprend beaucoup sans effort, sans loucher sur des livres et avec le plaisir des yeux et des oreilles. Petit bémol inexpliqué : Guillaume de Nogaret, garde des Sceaux, est en réalité mort 1 an avant les Templiers…et non quelques mois après eux comme présenté dans le roman Le Roi de fer ou la mini-série Les Rois maudits.
Certes, sous ses allures de pièce de théâtre filmée, cette mini-série Les Rois maudits peut rebuter mais la qualité est telle que l’on ne peut s’en délivrer avant le clap de fin ! Les fans de Kaamelott n’ont qu’à bien se tenir… Et par pitié, évitez l’ersatz de 2005 signé Josée Dayan…auquel j’épargne mes critiques…
Regarder :
6 DVD – coffret intégral :
- Le roi de fer
- La reine étranglée
- Les poisons de la couronne
- La loi des mâles
- La louve de France
- Le lis et le lion
Aller plus loin :
- Les Rois maudits intégrale – Maurice Druon
- Philippe le Bel – Jean Favier – éditions Tallandier, collection Texto
Visiter pour le plaisir de se mettre dans l’ambiance :
- Château-Gaillard, prison pour les princesses adultères
- La Sainte-chapelle à Paris
- Le palais du Louvre, surtout les fondations à découvrir en sous-sol