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Le Carrefour de l’Homme Mort à Saint-Côme-du-Mont

Depuis que les côtes de la Manche ont misé leur attrait touristique sur la mémoire du Débarquement de 1944 et la bataille de Normandie, beaucoup de lieux y évoquent tragédie et héroïsme. Au détour d’un village, d’un chemin, l’Histoire nous rattrape et nous saisit à la gorge. Le carrefour de l‘homme mort de Saint-Côme-du-Mont est un de ces endroits marqués à jamais par cet étrange union de courage et de drame que seule la guerre peut engendrer.

Saint-Côme-du-Mont, village stratégique d’Overlord

Dans la nuit du 6 juin 1944, alors que le peuple de France dort en rêvant à ce débarquement dont parlent la rumeur et Radio Londres avec tant d’enthousiasme qu’il semble n’être qu’une douce chimère, des milliers d’hommes sont en action. Depuis minuit, des parachutistes ont embarqué dans les gigantesques Dakota C-47. Des planeurs emmènent des unités d’infanterie vers les côtes françaises tandis que le gros des troupes fait route pour cette grande mission que les hommes nomment entre eux « le job ». La veille encore, l’Angleterre était balayée de pluies et de vents si violents qu’aucune opération n’était envisageable. Un petit créneau s’est dégagé dans ce marasme des caprices d’un ciel qui semble dans le camp des diables verts. Cela n’empêche pas les hommes d’être ballottés dans les appareils et les bateaux.

La résolution est là mais l’angoisse aussi, et elle les rend malades. Certes, ils s’entraînent depuis des mois, quelques-uns ont bataillé en Afrique ou en Italie mais cette fois-ci, ils font partie d’Overlord, la plus vaste opération d’invasion maritime depuis que les Grecs fondirent vers la cité de Troie. Le vent est fort et les tirs anti-aériens allemands s’invitent dans ce premier mouvement déjà périlleux. La visibilité est mauvaise et l’agressivité ennemie, avant même de toucher le sol, fait des ravages.

Plusieurs avions tombent, en flammes pour certains. D’autres parviennent de justesse à libérer leurs parachutistes mais se trompent de zone de largage. C’est ainsi que l’unité destinée à la prise de Saint-Côme-du-Mont manque la zone nord-est du village. Le lieutenant-colonel Robert Wolverton, commandant le 3/506ème , échoue à l’opposé, dans un pommier. Il est encore empêtré dans son harnais lorsqu’il est abattu. Ses camarades retrouveront son corps criblé de balles et de coups de baïonnettes plusieurs jours plus tard…

Saint-Côme-du-Mont est crucial pour le général Maxwell Taylor qui sait que ce village est au croisement de la seule voie d’accès à la route menant de Utah Beach sur Carentan. Les Allemands ont inondé une grande partie de la campagne normande en amont des plages. Entre marais naturels et artificiels, les Alliés ne peuvent se permettre de perdre du temps et du matériel à barboter pour tenter de rejoindre les objectifs majeurs que sont les villes en direction de Cherbourg et de Caen. Pour assurer leur circulation, les Alliés doivent prendre possession de Saint-Côme-du-Mont !

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Pourquoi ce nom de carrefour de l’homme mort ?

Le major allemand en charge de cette zone est Friedrich August Von der Heydte. Après avoir participé à toutes les grandes campagnes de conquête puis de défense des territoires acquis (Pologne, France, Russie, Afrique du nord, Italie), il a été envoyé en Normandie. Une blessure en automne 1943 le fait échoir en plein coeur de l’une des deux régions propices à un débarquement allié. Il s’installe dans le château dit le Bel Enault, proche de Saint-Côme-du-Mont.

Au matin du 6 juin 1944, d’intenses bombardements couvrent les premiers mouvements alliés. De rares prisonniers lui confirment l’ampleur de l’opération ennemie qui, venant de la plage proche, fonce sur lui. Le major Von der Heydte sait, comme ses ennemis, que l’enjeu est à quelques kilomètres de lui : la route vers Carentan. Il organise sa défense et installe rapidement son commandement dans une maison qui se tient au croisement de la route venant de Utah Beach et de la voie Cherbourg-Carentan. À ses côtés, le docteur Roos installe une infirmerie de campagne car certains soldats sont déjà en mauvais état. Ses soldats du 3ème bataillon de Panzergrenadier 1058 sont rejoints par des parachutistes allemands du Fallshirmjäger Regiment 6. Il attend, de pied ferme.

La prise d’Utah Beach ne fut pas aussi ardue que celle d’Omaha, aussi les alliés peuvent-ils tenter l’avancée majeure prévue. Sous les ordres du lieutenant-colonel Ballart, 250 Américains de la 501ème approchent et essaient de prendre le bourg. Sans succès. Von der Heydte envoie ses hommes à l’attaque sur Saint-Côme-du-Mont. Dans le même temps, il fait en sorte de retarder l’arrivée des renforts de la 101ème Aéroportée (101st Airborne).

Les affrontements sont féroces et durent. Le 7 juin, des chars du 70ème bataillon ont été déchargés sur Utah Beach et foncent en soutien. Alors qu’ils approchent du croisement sur lequel trône la maison transformée en poste de commandement allemand, le char de tête essuie un tir direct. Le lieutenant Walter T. Anderson, qui était faisait le guet depuis sa tourelle, s’affale, tué net. Ce même jour, une patrouille du 506ème investit enfin le village et pousse les Allemands à se replier sur Carentan.

Pris par l’urgence de cette bataille de Normandie qui ne leur laissait aucun répit et dont l’issue déciderait du succès ou non du Débarquement, aucun des alliés passant par là ne dégagera le corps du jeune homme avant plusieurs jours. Cette vue saisissante qui ne présageait rien de bon pour la suite de cette guerre de libération de l’Europe, inspirera aux Américains le surnom de « carrefour de l’homme mort ». La maison étant bien située, elle est aussitôt utilisée par le colonel Michaelis, dit « Iron Mike », du 502ème PIR de la 101ème, pour son unité.

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Le Dead’s Man Corner Museum, un musée d’envergure

Certains pourraient penser que la bâtisse est hantée de la mémoire des victimes de ces jours de massacre. Mais les visiteurs sont surtout saisis par l’authenticité de la reconstitution qui les accueille.

En 2005, le Carentan Historical Center achète la maison. L’idée est d’en faire un musée du Jour J d’un autre genre. Marquée par une occupation successivement allemande et alliée, la demeure devient une mémoire vivante des événements.

À peine entré, le visiteur est assailli par les effets sonores qui reproduisent l’ambiance intérieure. Entre cris et conversations en allemand, sonneries stridentes de téléphone, alarmes et bombardements éloignés, on s’y croit. On ressent l’urgence, la pression qui pesait alors sur les forces d’occupation. Au milieu d’objets d’époque (uniformes, radios, armement, matériel médical, cartes, véhicules, etc.) récupérés au cours des ans, des mannequins représentent, dans une mise en scène saisissante, des soldats en armes, des opérateurs radios, des blessés, tout une activité fourmillante en pleine débâcle mais décidée à vendre chèrement sa peau. À l’étage, c’est au tour de la mémoire des Alliés de se voir célébrée. Celle des hommes tombés ou vainqueurs de Saint-Côme-du-Mont mais aussi des grandes figures du D-Day et de la bataille de Normandie.

Les passionnés affectionnent ce musée qui est une ode aux parachutistes américains. Le magasin attenant propose même des objets authentiques ayant appartenu aux différentes armées ainsi que des reproductions de qualité. Un petit morceau d’Histoire pour certains.

En 2015, le site connaît une expansion notable avec le lancement du projet D-Day Expérience. Dans un espace tout proche du musée, les visiteurs peuvent revivre les conditions vécues par les parachutistes du Jour J. Entre son et lumière, ils participent à une reconstitution. Briefing, embarquement dans un C-47 d’époque et simulation de vol au-dessus de la Manche en conditions réelles donc entre mauvais temps et batterie anti-aérienne à l’affût !

Musée : Dead’s Man Corner – 2 village de l’Amont 50 500 Saint-Côme-du-Mont

Sources :

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