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Château de Loches : une prison royale effrayante

Les contes et les légendes se cristallisent autour de lieux et de singuliers personnages. Le château de Loches doit sa sombre réputation à celui qui le transforma en prison royale, Charles XI. Monarque fourbe et malin, il sut briser ses adversaires avant de les condamner aux supplices d’un sombre enfermement.

Les débuts modestes d’un grand destin

Soyons clairs, ce qui fascine au domaine royal de Loches, ce ne sont ni son logis royal ni sa collégiale Saint-Ours mais bien son château médiéval. Essentiellement constitué d’un donjon, d’une haute tour ronde dite Tour Louis XI et d’un martelet, le château de Loches attire le regard. Rares sont les châteaux médiévaux en aussi bon état, et tant pis s’il s’avère que le monument aujourd’hui présenté au public est le fruit de nombreuses restaurations.

Le château tel qu’il a été remis en état date du 11e siècle. Bien qu’utilisés comme prison jusqu’en 1926, la Révolution française avait méchamment malmené les lieux. Symbole, comme tant d’autres de l’autorité royale et de ses cruelles démonstrations, le château de Loches fut pillé et très endommagé en 1790. L’État actuel du site est le fruit de campagnes de restauration que se sont succédé depuis 1806 et se poursuivent encore sur l’ensemble du domaine royale de la commune. Planté au cœur du Val de Loire, il est classé au titre des monuments historiques.

D’après certains relevés archéologiques, son histoire remonte à l’époque de l’occupation romaine de la Gaule mais ces vestiges ont totalement disparu. Disparue également la place forte, installée à l’emplacement même de l’actuel mastodonte de pierres. Pris en 742 par l’armée de Pépin et de Carloman lors des affrontements visant à réprimer la révolte du duc d’Aquitaine, le château fut alors rasé.

Mais le caprice des rois est insondable et imprévisible. Lorsque la ville de Tours devient préfecture royale, Louis le Bègue, fils de Charles le Chauve, octroie une partie du comté d’Anjou au préfet de Tours. Les alliances par mariages font le reste et la commune de Loches est témoin de la naissance des Comtes d’Anjou. C’est le 4e comte, Foulques Nerra, qui fait bâtir le donjon que l’on connaît entre 1013 et 1035. L’histoire sanglante du château de Loches ne fait alors que commencer… Est-ce en prévision des conflits spectaculaires dont le site sera l’enjeu, qu’un siècle plus tard, Henri II Plantagenêt lui adjoint des remparts et des douves ?

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Lors de la 3e Croisade et puisque son frère est prisonnier, Jean Sans Terre profite du pouvoir mal acquis pour laisser libre cours à toutes ses fantaisies. Parmi elles, le don du château de Loches à Philippe Auguste en 1193. Sitôt ses pénates retrouvées, un an plus tard, Richard Cœur de lion s’empresse de reprendre son bien. Il assiège le château qui tombe après seulement trois heures ! En 1205, il faudra un an de siège par Philippe Auguste lorsqu’il choisira de récupérer, à son tour, la forteresse qui, décidément, ne voulait pas lui échoir aisément…. Et pourtant ! Dès lors, le château de Loches restera propriété française quoique les Anglais tentent au cours de la Guerre de 100 ans. Si Jeanne d’Arc ne fera qu’y passer, la malheureuse Agnès Sorel, maîtresse royale, y sera enterrée.

La légende du château de Loches prend naissance avec Louis XI

Après des siècles de médisances accentuées par un évêque de Lisieux tombé en disgrâce qui décrivit dans son Histoire de Louis XI un souverain « fourbe insigne connu d’ici jusqu’aux enfers, abominable tyran d’un peuple admirable », la légende obscure de Louis XI s’éclaircit. Le roman national et les historiens ont longtemps prêté foi à la rancune d’un homme d’Église rejeté par le souverain après sa prise de position envers son pire adversaire, Charles le Téméraire.

Un prince ambitieux

Mais si on peut aujourd’hui affirmer que de nombreux détails furent exagérés, la vérité n’en est pas moins sombre. Louis XI arrive au pouvoir suprême après avoir fait ses armes au service unique de sa propre ambition. Bien qu’ayant suivi les premières demandes de son père, en négociant le départ des Écorcheurs (1439) et en matant les Anglais à Dieppe (1443), il se montra très rapidement avide de pouvoir. Il rejoignit quelques seigneurs dans leur fronde (la Praguerie – 1439) mais n’en retira rien de plus que le Dauphiné. Ses campagnes militaires visant à soumettre les insoumis lui inspirèrent très tôt le rôle primordial des prisons royales ou comment faire taire les récalcitrants et leurs comparses ! Son don pour la négociation lui servit très jeune : les Écorcheurs n’oublièrent pas ce dauphin qui avait su inciter à la générosité les nobles afin de payer leur départ. Ils revinrent régulièrement à son service et firent ce qu’ils connaissaient le mieux : tuer, piller, détruire en marge des affrontements armés. Tandis que Louis XI se constituait une clientèle dans sa région du Dauphiné, investissant soigneusement sa pension royale, la dot de chacune de ses deux épouses et s’assurant la fidélité de grands personnages, il attendait son heure. Après son alliance avec le duc de Bourgogne, ses relations avec son père étaient devenues telles que lorsque Charles VII mourut, Louis XI n’assista pas aux funérailles.

Un roi malin et sévère

Le règne de ce prince avide commença sans attendre. Il se mêla de tout conflit susceptible de lui servir. Machiavel n’avait pas encore écrit Le Prince qu’il aurait pu s’inspirer de Louis XI plutôt que de César Borgia. Ce roi ambitieux mena toutes ses actions avec une seule idée : asseoir l’autorité royale sur les grands nobles grâce au peuple. Fils de celui qui retrouva le trône de France après presque 100 ans de guerre avec l’Angleterre, on peut imaginer combien l’idée d’une puissance monarchique à restaurer devait lui être prégnante ! Et quiconque entravait sa route finissait au cimetière ou en prison… Le château de Loches, son donjon surtout, devint prison royale. L’intransigeance de Louis XI y jeta les plus grands personnages de son temps, de Ludovic de More, le duc de Milan (qui couvrit sa cellule de graffitis) jusqu’aux évêques d’Autun et du Puy (qui creusèrent autel et chemin de croix symboliques dans la muraille) en passant par le Comte de Saint-Vellier, père de Diane de Poitiers, qui fut gracié et en reçut l’annonce alors qu’il était déjà sur l’échafaud !

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Le château de Loches, prison de terreur

Quelles que soient les motivations qui inspirèrent les biographes revanchards, comme l’évêque de Lisieux, ou plus objectifs, tels que l’anglais Paul Murray Kendall, les conditions d’emprisonnement ne pouvaient pas être qualifiées de correctes. Certes, la légende des fillettes n’est plus. On admet aujourd’hui qu’il s’agissait là de fers et de chaînes munies d’une lourde masse de fer et attachées aux anneaux enserrant les chevilles des hôtes malgré eux et non pas de cages minuscules destinées à torturer leur occupant ! Pour autant, les cachots que l’on peut voir lors d’une visite du site, s’ils sont des répliques fidèles, font froid dans le dos. Inventées par le Cardinal La Balue, qui y passa lui-même 11 ans pour trahison, les cellules grillagées carrées de 2 m de côté, sont reconstituées ici suivant les plans d’origine. Si ces cages obligeant les prisonniers à demeurer assis ou couché impressionnent, il semblerait qu’elles aient surtout été destinées au transport des prisonniers ou encore de nuit afin d’assurer un sommeil sans mauvaise surprise aux geôliers… Néanmoins, les cachots disséminés dans les souterrains et leurs serrures démesurées laissent libre cours à l’imagination sur les conditions de vie des renégats à l’autorité royale !

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Une vaste prison au service de l’autorité royale

Curieux, ne vous y trompez pas : le château de Loches fait toujours son petit effet ! Restauré dans son état de forteresse médiévale, il impose sa silhouette massive sur la ville. Le plan actuel reprend celui des édifices construits entre les 10e et 15e siècles. On y compte un donjon, sa tour ronde et son martelet. Ce donjon qui semble menacer quiconque souhaitant quelque mauvais sort à la cité de Loches est encore l’un des 4 plus anciens donjons de pierre du pays. Il comprend une tour maîtresse de 4 étages sur un rez-de-chaussée de 36 m de hauteur. Le donjon en lui-même accueillait une grande salle, une chambre et des dispositifs dédiés à la défense. Un château médiéval est d’abord conçu pour repousser toute velléité ennemie. Sergents, stocks d’armes et de munitions ou projectiles occupaient les niveaux 2 et 3. Les murs épais étaient en outre renforcés de contreforts, de quoi décourager même Richard Cœur de Lion ! Au centre, la tour carrée comportait autrefois un toit et un chemin de ronde extérieur disparus. Des structures métalliques permettent l’accueil des visiteurs.

Au cœur de ce plan se situe la tour ronde dite Tour Louis XI. Elle est un ajout du 15e siècle et fut précisément aménagée pour les prisonniers. Trois étages sur un escalier en vis, des cellules réparties sur les différentes salles comme en témoignent encore les témoignages gravés par les occupants dans la pierre calcaire. Le rez-de-chaussée accueillait la salle de torture et on frémit à la vue de la barre de fer équipée d’anneaux qui servaient à attacher les détenus durant les interrogatoires…

Mais c’est au sein du martelet que l’on trouve les plus célèbres des cachots, dont celui du duc de Milan. Fait prisonnier en 1500, il fréquenta plusieurs prisons avant de se retrouver à Loches. Il y fut gardé enfermé durant 4 ans, de 1504 à 1508, année de son décès. Sa signature parle d’elle-même : « celui qui n’est pas content. ».

Marqué par la volonté royale d’un prince qui avait grandi sous la menace et les conséquences de la Guerre de Cent ans, le château de Loches est l’image d’un monarque connu pour avoir rusé toute sa vie. Mensonge et sanctions exemplaires étaient ses armes favorites. La raison d’État primait déjà tout et tous les moyens étaient bons ! Immergez-vous dans ce Moyen-Âge si sombre, visitez le château de Loches !

Sources :

  • Guide secret du Val de Loire, Philippe et Catherien Nédélec, éd. Ouest-France, 2012;
  • Château de Loches, Wikipédia ;
  • Louis XI, Wikipédia.
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