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Le Dernier Discours de Danton : la liberté avant la mort

Georges Jacques Danton est une des figures de la Révolution française devenue légendaire. Fort en gueule, acharné à faire valoir son point de vue et faire entendre sa voix, il participa à tous les grands événements de cette époque fondatrice de la France contemporaine. Mais son franc parlé et ses convictions foncièrement opposées à la Terreur, initiée par Robespierre, le condamnèrent avant qu’il ait pu voir naître la grande nation qu’il avait aidé à créer. Tout au long de sa courte carrière politique, il brilla par la magnificence de splendides tirades prononcées devant l’Assemblée et la Convention. Mais que reste-t-il de son procès ? Existe-t-il un dernier discours de Danton, bouillant de verve et d’une langue française au service d’un esprit qui ne se reconnaissait aucun maître ?

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Anonyme, Portrait de Maximilien de Robespierre (1758-1794), homme politique. (Nom d’usage), 1758. Huile sur toile. Musée Carnavalet, Histoire de Paris.

Danton : le géant devenu « ennemi de la Révolution »

Le printemps fait bourgeonner les arbres et réchauffe la terre en ce mois de mars 1794. Pourtant, ce timide soleil, qui ne rassure pas encore pour les récoltes à venir, n’est rien en comparaison de la fièvre qui s’est emparée de la Convention. La rumeur gronde, enfle : le Comité de salut public veut faire arrêter Danton.

Mais pourquoi ? Le peuple aime Georges Jacques Danton. Il sait qu’il le comprend, qu’il est sa voix : « Après le pain, l’éducation est le premier besoin d’un peuple ». Il lui a tout pardonné, jusqu’à sa défection passée alors qu’il a fui Paris un an auparavant. Il devait affronter le vide laissé par sa première épouse dans la solitude. Il réprouvait la Terreur dans laquelle sombrait la France, entre guillotines surexploitées et guerres intestines. Il savait que la condamnation à mort de la reine entraînerait une guerre avec les pays voisins. Tous étant de fervents opposants à la nouvelle république, il ne leur fallait qu’un prétexte. Mais on ne l’a pas écouté. Pire, on a vu en lui un ennemi de la Révolution.

Danton film 1989 - histoire sympa

En 1793, le décès en couches d’Antoinette Gabrielle à peine âgée de 28 ans l’a anéanti. Reclus à Choisy, alors pleine campagne, il a pansé ses plaies et retrouvé l’amour auprès de la très jeune Sébastienne-Louise Gély. Les rappels se faisaient entendre, jour après jour. Il savait qu’il retournerait à Paris. Mais a-t-il bien fait ?

Le piège se referme sur le chef des Indulgents

Danton est un homme de convictions, il aime sa patrie. Comment faire cesser cette vague infernale de violences alors même que la France menace de tomber face aux Hollandais, aux Autrichiens, et combien d’autres encore ? Pour Danton, l’ère de la Terreur doit s’arrêter. Il fait alors le choix du pardon, de la raison mais prépare sa condamnation à mort.

Dans les premiers temps de son retour, Danton appelle la Convention à une clémence qui fait grincer les dents de Robespierre. Pour Danton, il faut vider les prisons des pauvres bougres dénoncés par mensonges, mettre fin à la guerre par la diplomatie, sauver la République du chaos. Face à lui, Robespierre, le qualifie désormais d’indulgent. Son ami devenu ennemi, pense que seule la victoire contre ses ennemis de l’extérieur et la plus grande sévérité contre ceux de l’intérieur peuvent garantir la Révolution.

La bataille entre ces deux géants de l’Histoire de France s’engage. Entre eux, quelques pions sont pris dans la tourmente. Camille Desmoulins, par exemple, qui, à travers son journal, Le Vieux Cordelier, porte la voix de son mentor : Danton. La popularité de ces écrits exaspère Robespierre et ses partisans. Malgré la Terreur et la famine qui sévit de nouveau sur la France après une cruelle sécheresse, le peuple est séduit par les arguments et le discours de Danton.

La clémence n’est pas dans l’esprit de Maximilien Robespierre. Fermeté et ordre, quoi qu’il en coûte, voici ce qui préservera les acquis de la Révolution. « Je briserai cette sacrée guillotine ! insiste Danton. Mieux vaut être guillotiné que guillotineur ! ». Le grand homme ne croit pas si bien dire…

Le dernier discours de Danton, une tirade trop belle pour être vraie ?

En ce printemps 1794, Danton refuse de croire que Robespierre, son allié dans la lutte, son ami lors du décès de sa première épouse, conspire contre lui. « Si je le croyais, je lui mangerais les entrailles ! ». Pourtant, au soir du 30 mars 1794, les membres des Comités de salut public et de sureté générale, influencés par Robespierre, votent : Danton, Desmoulins et leurs alliés seront arrêtés.

Alors qu’il comparait devant le Tribunal révolutionnaire, Danton est confiant. Il n’a besoin que d’une seule arme : son éloquence. Elle lui a épargné tant de dangers. Mais devant la mauvaise foi et les manigances de Saint-Just, le plus proche collaborateur de Robespierre, ses mots sont impuissants. Un décret permettant de mettre « hors débat » tout accusé qui résistera ou insultera la Justice nationale est voté. Dès que Danton ouvre la bouche pour sa défense, il est expulsé sur tribunal. On le condamne en son absence, ainsi que Camille Desmoulins et leurs amis.

« Il n’y aurait pas eu de révolution sans moi. Il n’y aurait pas eu de république sans moi. Non, vous ne me trainerez pas vers la mort : je suis vivant ! A jamais ! Le monde nous regardera et se demandera quel genre d’hommes nous étions. Ne laissons pas dire que nous n’étions pas meilleurs que ceux que nous avons chassé. Je connais cette cour, c’est moi qui l’ai créée et j’en demande pardon à Dieu et aux hommes. A l’origine elle devait être non pas le fléau de l’humanité mais un rempart, une dernière instance contre le déchaînement de fureur, de la brutalité et de la peur. Au lieu de cela, c’est devenu l’assassinat des consciences. Ceux qui, plus tard, nous jugerons verrons bien que moi, Danton, je n’ai pas voulu cela. Si je parle aujourd’hui, c’est pour défendre ce que nous avons réalisé, c’est pour tout ce que nous avons atteint et non pour sauver ma vie. Nous avons brisé la tyrannie des privilèges. Nous avons tué le ver dans le fruit en abolissant ces pouvoirs auxquels n’avait droit aucun homme. Nous avons mis fin au monopole de la naissance et de la fortune et cela dans tous les grands offices de l’Etat, dans nos églises, dans nos armées, dans ce vaste complexe d’artères et veines qui fait vivre ce corps magnifique de la France. Nous avons déclaré que l’homme le plus humble de ce pays est désormais l’égal des plus grands. Et cette liberté acquise pour nous-mêmes, nous l’avons offerte aux esclaves. Et nous confions au monde la mission de bâtir l’avenir sur l’espoir que nous avons fait naître. Ceci, c’est plus qu’une victoire dans une bataille, plus que les épées et les canons et tous les escadrons de cavalerie de l’Europe. Cette inspiration, ce souffle pour tous les hommes, partout, en tous lieux, cet appétit, cette soif, jamais on ne pourra l’étouffer. Nos vies n’auront pas été vécues en vain. »

Ce dernier discours de Danton, reproduit ici et magistralement prononcé par l’acteur Klaus Maria Brandauer dans l’excellent La Révolution Française, 2. Les Années Terribles, film de Richard T. Heffron, ne fut jamais prononcé. Il est cependant superbement écrit en respect du style et de la pensée d’un homme qui offrit littéralement sa vie à la France et dont les derniers mots furent pour le bourreau « Tu montreras ma tête au peuple, elle en vaut la peine. ».

Sources :

  • Wikipédia ;
  • La Révolution Française, 2. Les Années Terribles, Richard T. Heffron, 1989.
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