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Pourquoi une nouvelle date pour l’éruption à Pompéi ?

En 2018, une annonce a fait sensation auprès des passionnés comme des néophytes : les dernières fouilles entreprises sur le site apportent une nouvelle date pour l’éruption qui a détruit la cité romaine de Pompéi ! Comment croire que l’ensemble de la communauté scientifique ait pu une commettre telle erreur ?

Les amateurs et les professionnels d’archéologie le savent bien : face à des vestiges aussi anciens, le chercheur se retrouve bien démuni. Ses armes principales résident dans les témoignages écrits contemporains des vieilles pierres. Gravures sur des objets, peintures murales ou rupestres, pièces de monnaie avec mention d’une date, etc. De ces les temps reculés, il ne reste que peu de récits. Le monde romain antique était heureusement déjà très bien administré et friand de biographes. Bon nombre d’informations répandues de nos jours viennent de l’étude de ces textes miraculeusement parvenus jusqu’à nous. Mais que se passe-t-il lorsqu’une autre preuve écrite vient en contredire le contenu ? Une nouvelle date pour l’éruption à Pompéi s’invite dans le débat.

À qui la faute ? Le récit des événements tragiques qui engloutirent l’une des plus belles cités balnéaires du monde antique nous vient de Pline le Jeune. Âgé de 17 ans au moment du drame, il était en visite chez son oncle, Pline l’Ancien, amiral de la flotte impériale.

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Basé à Misène, un port situé près de Naples, celui-ci se trouvait donc non loin de Pompéi en ces heures fatidiques. Tous deux ont été les témoins d’un drame qui les marqua à jamais : Pline l’Ancien allait y perdre la vie et son neveu ne saurait que conter l’horreur à Tacite. Biographe des Césars, ce dernier usa ensuite de ce témoignage dans son œuvre. L’erreur de datation serait-elle le fait d’un Pline le Jeune bouleversé, d’un Tacite mal informé ou…d’un traducteur négligent ?

Le 24 … en 79 après J-C

Durant tout l’été, des phénomènes ont éveillé l’inquiétude des Pompéiens : des sources se sont taries aux alentours, de petites secousses sismiques résonnent régulièrement sous leurs pieds et la température en sous-sol est si élevée qu’elle n’apporte aucun soulagement à la chaleur estivale.

Mais ces phénomènes étant devenu habituels, peu s’inquiètent. Pourtant, certains habitants se souviennent encore très clairement des dégâts engendrés par le précédent séisme. Survenu en l’an 62, celui-ci a tant ravagé la cité que de nombreux bâtiments publics et maisons sont encore en travaux 17 ans après ! Rien de surprenant donc à ce que personne, ou presque, n’ait remarqué le nuage sombre qui s’est élevé dans nuit depuis le mont Vésuve. Même la détonation fut confondue avec le tonnerre…

Au matin du 24, dans les premières lueurs de l’aube, la ville de Pompéi s’éveille pour la dernière fois. Les commerçants préparent leur journée de travail tandis que les prêtres s’occupent à animer les temples pour les visites quotidiennes. Au contraire de ses proches et voisin, Rectina, une amie de Pline l’Ancien et résidente de Pompéi, reste traumatisée par le séisme de 62. Elle s’alarme donc rapidement. Il faut dire qu’elle a une meilleure vue que beaucoup d’autres sur la menace : sa villa est située au pied du Vésuve. Elle envoie donc un messager avertir l’amiral à Misène.

La journée avance et avec elle l’activité de la ville. En milieu de matinée, chacun se presse à ses occupations, ignorant le danger grandissant. Soudain, des grondements souterrains tonnent, plus forts que ces derniers jours. Mais si certains fuient déjà la ville par les routes ou gagnent le port pour embarquer dans un quelconque esquif, la majorité pense que ce n’est là que répétition de ce qu’elle croit connaître.

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Mais vers midi, le bouchon de lave explose dans un bruit assourdissant, et projette d’énormes roches. La fureur volcanique s’élève à plusieurs kilomètres de hauteur. Cette fois, la panique générale se répand. Les habitants organisent tant bien que mal leur fuite, abandonnant ou non leurs possessions les plus précieuses, ce qui décidera souvent de leur sort.

On prend la mesure de la rapidité avec laquelle la catastrophe a envahi la cité lorsque l’on voit les nombreuses miches de pain restées dans leur four et retrouvées intactes. Abandonnées au même titre que les ânes attelés aux meules par un boulanger en fuite, elles sont encore entières aujourd’hui.

Pline l’Ancien face à la mort

Nombreux sont les Pompéiens qui meurent tués par le bombardement de pierres ponces. Quand elles ne les heurtent pas si vite et si fort qu’elles les tuent sur place, elles provoquent, par leur accumulation, l’effondrement des terrasses. La terre tremble si fort qu’elle met à bas des bâtiments qui s’écroulent sur les fuyards. Cette chute incessante de pierres mortelles effraie nombre d’habitants qui préfèrent rester à l’abri de leur demeure pour y mourir, écrasés par leur toit.

Un nuage de cendres envahit ensuite progressivement la ville, rapidement suivi par des gaz brûlants qui s’insinuent partout et tuent même les réfugiés dans leur cave.

Vers 13h, à Misène, la mère de Pline le jeune, qui accompagnait son fils, attire l’attention de son frère sur l’énorme nuage en forme de pin parasol et aux couleurs mouvantes qui s’élève au-dessus de Pompéi. Pline l’Ancien est un esprit scientifique curieux de tout. Il est encore à observer l’inquiétant spectacle lorsque le messager de Rectina lui parvient. Il organise aussitôt des secours à bord de navires. Embarqué avec ses hommes, il file droit sur Herculanum, cité plus modeste que Pompéi mais toute proche et pourvue d’une large plage.

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Lorsqu’il parvient en vue de la côte, vers 16h, il doit renoncer : le nuage de cendres et la pluie de pierres ponces transforment le jour en une nuit opaque. Il craint de précipiter ses bateaux sur les récifs. Pendant ce temps, dans Pompéi et alentours, un torrent de lave et de boue remplace la pluie de cendres. Ces coulées sont aujourd’hui nommées nuées ardentes. Leurs gaz montent à 400°C, ils calcinent instantanément le bois et immobilisent dans la mort tout ce qu’ils touchent. Pline l’Ancien atteint presque Herculanum mais ne peut secourir les réfugiés sur la plage : tous meurent en quelques secondes de souffrance suffocante.

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Entre 18h et 19h, l’amiral doit renoncer au rivage pour gagner la ville proche de Stabies. Il y rencontre son ami Pomponianus qui compte fuir par la mer avant que la fureur n’arrive jusqu’à lui. Pline l’Ancien est rassurant : aucun risque que l’éruption ne vienne sur Stabies, la cité est éloignée du Vésuve. Ils rentrent donc ensemble chez Pomponianus pour y passer la nuit. Quelques heures plus tard, la terre tremble de nouveau, encore plus fort. La pluie de pierres ponces reprend de plus belle. Cette fois-ci ce sont les habitants de Stabies qui fuient pour leur vie. Regagnant son navire avec eux, Pline l’Ancien tombe, inerte, sur la page. Sans blessure apparente, tous pensent que son cœur a lâché.

Après environ 6 heures de fureur, on ne retrouve que 1.500 à 2.000 personnes sur les quelques 15.000 habitants de Pompéi. La ville est ensevelie sous 6 mètres de cendres et de pierres.

Quelle date pour l’éruption à Pompéi ?

Cette chronologie des événements est le fruit de nombreuses recherches combinant témoignages, fouilles archéologiques et connaissances scientifiques relatives aux volcans.

Traditionnellement, et comme le voulait la traduction du texte de Tacite reprenant le témoignage de Pline le Jeune, la datation longtemps retenue fut celle du 24 août 79.

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En 2018, sous l’impulsion du nouveau directeur général du parc archéologique de Pompéi, Massimo Osanna, travaux et fouilles reprennent à Pompéi. Faute de financement, ceux-ci étaient restés en berne durant des années. Mais il devenait urgent de consolider les différents secteurs déjà fouillés et accessibles aux touristes pour ensuite s’atteler aux secteurs restés inexploités. Il faut insister sur le fait qu’une partie seulement de la cité antique a été totalement dégagée et ouverte aux visiteurs. Le reste attend, patiemment de révéler aux archéologues leurs merveilles enfouies.

C’est justement une de ces belles surprises qui attendait les spécialistes et allait remettre en question plus d’un siècle d’études scientifiques sur place.

Une inscription murale comme il en existait beaucoup à l’époque romaine a bouleversé les certitudes. Les Romains pratiquaient déjà le graffiti, pour les élections, pour dénoncer des faits ou encourager des actions. Elles demeuraient en place le temps que durait le pigment, souvent du charbon de bois, ou jusqu’à ce que quelqu’un les efface.

Logiquement, aucune inscription de ce genre ne peut avoir été faite après l’éruption. Pourtant, la suite de mots protégée par l’amas de pierres ponces et récemment mise au jour est claire. Elle indique que « le 16e jour avant les calendes de novembre, il s’est livré à la nourriture avec excès ». Ce coquin de gourmand ainsi dénoncé nous force à un nouveau calcul. Cet événement, somme toute banal mais en la question crucial, remonte au 17 octobre 79 ! La conclusion s’impose : l’éruption du Vésuve qui a ravagé Pompéi ne peut donc avoir eu lieu qu’en automne 79.

Des archéologues déjà sceptiques

Cette découverte vient pourtant confirmer les doutes émis par quelques spécialistes depuis de nombreuses années quant à la date de l’éruption ayant frappé Pompéi. En effet, au fil des précédentes campagnes de fouilles, certains éléments semblaient atypiques pour la saison estivale à laquelle le drame était censé s’être produit. Parmi les restes calcinés, des fruits d’automne (châtaigne, noisettes, grenades) reposaient ça et là et même dans les réserves des maisons sous forme de quintaux. Les grenades étant ramassées en septembre/octobre, le doute était permis.

À cela s’ajoutaient des braseros présents dans les atriums, sous les portiques et dans certaines rues, tous en état de fonctionnement. Les chercheurs savent qu’en cas de soirées, nuits et matinées fraîches, la disposition de braseros était de mise pour réconforter les habitants dès l’automne. Pour autant, abandonnés entre spéculation et traces écrites incontestées, les arguments des sceptiques ne trouvèrent pas écho.

Une nouvelle date pour l’éruption qui ravagea Pompéi, voici qui prouve qu’en matière d’archéologie, il faut se méfier des certitudes établies et rester un esprit ouvert. On ne sait jamais quel aspect peut prendre la révélation de l’année ni jusqu’où peut mener la détermination de passionnés du patrimoine tels que Massimo Osanna !

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